Principales Œuvres de Jean Cocteau

Résumés et analyses des principales oeuvres du poète et cinéaste français Jean Cocteau.
Jean Cocteau, né le 5 juillet 1889 à Maisons-Laffitte et mort le 11 octobre 1963 dans sa maison de Milly-la-Forêt, est un poète, graphiste, dessinateur, dramaturge et cinéaste français. En savoir plus sur Wikipédia.

Quelques œuvres de Jean Cocteau :

Image de Jean Cocteau
Jean Cocteau

Allégories, Jean Cocteau 1941 :

Poèmes de l'écrivain français Jean Cocteau (1889-1963), publiés en 1941.
Quatre longs poèmes jalonnent ce recueil: "Cherchez Apollon", "La partie d'échecs", "Lincendie", "Le casque de Lohengrin". Toujours le rêve, la bouche d'ombre et le sommeil, qui est marche à l'envers des miroirs, mais ces thèmes qui sont chez Cocteau comme autant de clefs poétiques, se doublent ici d'une inquiétude liée peut-être aux grands cataclysmes prêts à fondre sur le monde (beaucoup de poèmes sont datés de 1938, en particulier "L'incendie").

A l'arrière-plan, quelques grandes figures (les allégories du poète): Apollon, Eve, Louis II de Bavière, Orphée, qui représentent les divers masques à travers lesquels parle la voix intérieure. Les rythmes sont heurtés, brisés, et cela donne au vers quelque chose à la fois de sonore et d'obscur qui force l'attention, l'oblige à ne pas séparer la musique et le sens. Mais entre tant d'invocations à l'adolescence, à la mort, à la main de gloire ou aux dieux du mystère, peut-être faut-il surtout retenir ce petit poème intitulé "Clinique", qui confesse très simplement ce que Cocteau devait appeler sa difficulté d'être: "Mes calembours furent ceux de l'oracle grec. /J'ai tordu le poème et fait un masque avec. / J'ai chanté le sommeil et la fuite des muses. / Du théâtre j'aimai les surprenantes ruses. / L'amour n'en parlons plus, car c'était du joli! / Et la douleur borde mon lit."

Bacchus, Jean Cocteau 1952 :

Pièce en trois actes de l'écrivain français Jean Cocteau (1889-1963), représentée pour la première fois le 20 décembre 1951 au Théâtre Marigny par la Compagnie Renaud-Barrault, publiée en 1952. L'action se situe dans une ville allemande, en 1523, et débute peu avant l'élection du Bacchus, sorte de pape des fous qui dispose durant sept jours d'un pouvoir absolu. Le conseil dont dépend l'élection se compose du Duc, de l'Evêque, du Prévôt, du Syndic et du Cardinal Zampi, envoyé extraordinaire de Rome chargé de mesurer les progrès des partisans de Luther. Lors de la précédente élection, Ulrich, fils aîné du Duc, fut choisi, mais il s'est suicidé après son règne de carnaval, comme s'il ne pouvait supporter la perte de ses pouvoirs. Les autorités civiles plaident maintenant pour la suppression du Bacchus; le Cardinal, au contraire, défend cette tradition et l'emporte. Le Duc, à qui Christine, sa fille, a suggéré le choix de Hans, un innocent de village, finit par imposer ce choix. Hans a perdu la raison pour avoir été chassé à courre comme une bête par les jeunes nobles de la cité; plus tard, on l'a contraint d’assister au supplice de malheureux paysans, et le choc lui a rendu la raison, mais il a continué à jouer son personnage de sot. Dès qu'il est élu Bacchus, il jette ce masque, impose des mesures de grâce, favorise les pauvres et défend, au cours d'une longue scène qui l'oppose au Cardinal, une sorte de charité anarchiste basée sur la tolérance, la liberté et l'amour. Mais cette remise en question de l'ordre établi, loin de lui attirer au moins l'amitié du peuple, vaut au Bacchus la haine générale parce qu'elle dérange les habitudes. Au septième jour, quand la foule s'assemble pour brûler symboliquement le mannequin du Bacchus, on sait que Hans en personne va être jeté sur le bûcher. Le Cardinal et le Duc, que la sincérité de Hans a touchés, s'emploient à le sauver: il suffirait qu'il signe une abnégation de pure forme. Hans refuse pour ne pas démériter de soi-même et de l'amour qui le lie à présent à Christine, et il meurt, tué par son ami Lothar, le fils cadet du Duc, qui lui épargne ainsi le supplice.

Néanmoins, le Cardinal, pour que force reste à l' ordre et à la raison, proclame qu'il s'est repenti.
Cette pièce, qui valut à Cocteau une attaque aussi injuste qu'injurieuse de François Mauriac, est sans doute l'une de ses meilleures œuvres théâtrales. 
C'est une pièce d'idées (ce qui est neuf chez Cocteau), mais non une pièce à thèse, les personnages évoluant selon leur caractère propre, sans rien de mécanique ni de forcé. Curieusement, et comme pour souligner cette liberté des caractères, tous les personnages sont bons, et le drame jaillit de la seule "bonté dure" de la jeunesse (Hans, Christine, Lothar) que Cocteau oppose à la "bonté molle" (opportuniste) des hommes en place. Cocteau d'ailleurs ne veut rien prouver, il montre, dessinant sans appuyer, une sorte de tapisserie poétique dans la trame de laquelle on peut lire la solitude de la jeunesse, la lutte contre tout esprit totalitaire, la difficulté d'être libre, la beauté féconde de l' échec. Le style est juste, rigoureux, sans effets, avec une rapidité souveraine, souvent recherchée par Cocteau mais rarement aussi évidente.

Cérémonial espagnol du phénix, Jean Cocteau 1961 :

Poème de l'écrivain français Jean Cocteau (1889-1963), publié en 1961. Les mots s'agrègent comme les particules du cristal, et les voici poreux à la lumière, transparents au regard. Ils sont à la fois forme et reflet, et tout se joue entre l'image qu'ils projettent et celle qu'ils enferment. Le thème du phénix est lui-même à cette ressemblance, lui qui évoque ce moment où l'oiseau s'absente dans la mort, et dans le même temps qu'il est anéanti (invisible), la traverse pour revenir vivant. Mais le phénix, c'est aussi le poète, dont l'existence entière peuple un à un les vers d'images rejallies vivantes, d'un temps mort. Que ces images semblent d'abord hermétiques ou obscures, c'est seulement que la vie s'y condense extrême et rapide, mais le poème est semé par ailleurs de relais où le sens respire clairement pour guider le lecteur: "Puisque la beauté court je dois courir plus vite / Je plains qui la veut suivre ou peine à son côté / La mort m'est douce-amère et son amour m'évite / Phénix l' ennui mortel de l' immortalité."

Le "Cérémonial" est accompagné d'un autre poème: "La partie d'échecs", d'une forme semblable, mais traitée parfois avec une ironie baroque, particulièrement sensible dans les rejets: "Reconnais-tu gazon délicieux aux croupes / Champêtres combinant la nacre et le velours / Afin que l'éternise un amoureux des groupes / Cet arbre de Noël décoré de seins lourds." Son finale, où quelques-uns des mots-cléfs du poète (songe, sang, envers des glaces) viennent s'enchevêtrer dans les images du jeu, ne boucle la partie de mots du poème que pour en faire une leçon de vie: "Puisse l'art de mal vivre être ma seule étude / Et de mon propre chef mettre la tête à prix / Afin que votre haine orne ma solitude / C'est à moi que je rends les pions que j'ai pris."

Cocteau Jean. Journal d'un inconnu, Jean Cocteau 1953 :

Recueil d'essais publiés en 1953 par l'écrivain et poète français Jean Cocteau (1889-1963). C'est au problème de l' invisibilité et, plus généralement, à l' Invisible, que Cocteau a consacré cet ouvrage. Seul donc l'auteur, avec son bagage de pionnier, va s'engager dans une nouvelle "zone" interdite par l'habitude et la limite de nos sens. La jeune science ouvre à l'esprit du poète des "espaces infinis", qui, loin de l'effrayer, le rassurent car le malaise de vivre sur terre y cesse enfin. Depuis longtemps, Cocteau a pressenti que le temps, les distances, le loin et le près, sont des inventions de l'homme, commodités au départ devenues par la suite tyrannies ou épouvantails. Le chapitre "Des distances" que Cocteau considère comme le pivot même de son livre, est le plus vertigineux, le plus neuf, le plus riche d' avenir. Certes, on en a déjà trouvé certains éléments, dès le premier "Potomak". Mais le discours sur l' éternel présent et la simultanéité n'avait jamais jusqu'alors atteint cette rigueur. Le détail de cette recherche, menée avec une étonnante souplesse, est passionnant, convaincant, sans jamais appeler à son secours la référence pédante. Et l' optimisme foncier du poète s'y acharne à combattre le pessimisme qui nous accable à tort, puisque les données de notre désespoir sont fausses. "Même si la prison est à perpétuité, mieux vaut pour un prisonnier comprendre qu'il est en prison. Cela engendre l' espoir et cet espoir n'est autre que la foi". "Le journal d'un inconnu" attaque tous les conformismes de pensée et les fausses vérités établies à la manière de certains livres de combat, comme "Humain trop humain", "Par-delà le bien et le mal", où Nietzsche emploie la technique des moralistes français. Mais la nature apollinienne de Cocteau, son élégance et sa beauté, ont évité à son ouvrage tout caractère agressif. Quelle agressivité ressentirait-il d'ailleurs dans le haut domaine où il veut nous entraîner? L'essentiel n'est pas de combattre, mais de projeter la lumière sur ce qui importe. "Et ce qui importe ne peut être qu'inconnaissable, puisque sans aucune ressemblance avec quelque chose de déjà connu". Le livre se termine par une étude de "L' amitié", reprise des thèmes développés dans "Opium" et "La difficulté d'être". L'amitié est justement un sentiment méconnu, sinon méconnaissable. Jean Cocteau affirme qu'il s'y acharne, car "il préférait être condamné pour une préférence de coeur que pour une doctrine de son esprit". Notre monde empoisonné par le virus politique ne compte plus que des partisans ou des ennemis. Une fois encore, Cocteau est seul à défendre un territoire de l'âme menacé par les passions lourdes, ou, ce qui est pis, par l' indifférence. L' amitié réclame le désintéressement, un contrôle continu, la clairvoyance. C'est qu'elle n'est pas un instinct, comme l'amour aveugle, mais un art. Définir l' amitié, c'est encore définir la poésie. A ces trois textes importants, Cocteau a joint quelques petits essais: "De la naissance d'un poète" tente de saisir la genèse de "L'ange Heurtebise"; "D'un morceau de bravoure" raconte la querelle avec François Mauriac au sujet de "Bacchus"; "D'une justification de l' injustice" démèle les rapports du poète avec Maurice Sachs, André Gide et Claude Mauriac. "Le journal d'un inconnu" s'achève par des notes sur "Oedipe-Rex" et la description des mimes qui rehaussaient l'oeuvre en 1952, ainsi que des notes sur le "Voyage en Grèce" (12-17 juin 1952).

La crucifixion, Jean Cocteau 1946 :

Poème publié en 1946 par l'écrivain français Jean Cocteau (1889-1963). "La crucifixion" tout entière est un poème "de chance", selon le mot de l'auteur. Mais on sent d'un bout à l'autre cette chance conquise par la lutte du poème contre lui-même: on dirait un poème écrit avec dégoût. C'est bien une de ces bulles qui crèvent au-dessus du marais qu'évoque Jean Cocteau dans ses pages sur le Gréco -voir "Poésie critique". On y sent passer l'aigu d'une douleur déjà intimement vécue dans la chair et dans l'âme même au cours de certaines pages d' "Opium". Et frappe cette reconquête plusieurs fois répétée d'un anti-lyrisme par les moyens incantatoires du mot "sérénissime" placé en tête de plusieurs strophes. Dans ce poème intense, l'oeuvre sans doute la plus étonnante de Cocteau, l'abstrait pétrifié, la douleur physique prise au piège des mots et sans dessein figuratif, rejoignent des chefs-d'oeuvre plastiques tels que le Dévot Christ de Perpignan ou certains tableaux de Mantegna. La ressemblance n'est sans doute qu'accidentelle; mais on peut la souligner comme l'un des privilèges concédés aux seuls "héritiers-novateurs". "L'Ange Heurtebise" (voir "Opéra" était "le procès-verbal d'un coup de foudre"; l'inspiration fondait du ciel sur le poète. Ici le mouvement est inverse. Le poète expulse la douleur qui le ravage et cet incendie, s'évadant de sa chair, se statufie dans l'espace en forme d' "épouvantail sacré". Autant "Léone", publié l'année précédente, était un poème horizontal et déployé, autant "La crucifixion" est un poème vertical et elliptique. Jamais on n'a mieux crié, car c'est bien d'un cri qu'il s'agit, un cri cent fois manié de la souffrance du poète enfermé seul avec sa bouche saignante.

La difficulté d'être, Jean Cocteau 1947 :

Essai de l'écrivain français Jean Cocteau (1889-1963), publié en 1947. "Je sens une difficulté d'être", c'est, nous rappelle Cocteau, ce que répond Fontenelle, centenaire, lorsqu'il va mourir, et que son médecin lui demande: "Monsieur Fontenelle, que sentez-vous?" et l'auteur ajoute "seulement la sienne est de la dernière heure, la mienne date de toujours". Ce boîtement intérieur, l'auteur ne le soumet à aucune radiographie, n'en recherche nullement le pourquoi. Retiré dans un hôtel à Morzine, malade -"la douleur me harcèle et je dois penser pour m'en distraire"-, Cocteau lance son esprit à la recherche de tout ce qui, passé ou présent, témoigne en lui de cette nécessité de toujours: "accepter l'inextricable et s'y soumettre au point qu'il s'en dégage un charme et que la brousse rejoigne par son innocence sauvage les attraits de la virginité". Ayant pris conscience de son âge et accepté de ne plus être jeune, le magicien se fait botaniste patient pour nous offrir les fleurs étonnamment vivaces d'un passé qu'il prospecte avec sérénité. Pour cet être qui se loue de "mieux faire l'amitié que l'amour", chaque souvenir lui impose un aveu de partage, de fidélité à une recontre, que ce soit celle de Proust, de Gide, Radiguet, Satie, Diaghilew, Nijinski, Apollinaire, ou Picasso, Bérard, GenêtColette. La qualité de ses hôtes, le plaisir et le bonheur avec lesquels Cocteau nous les présente par le dedans, ne le distraient nullement de son investigation. Ell nous vaut des pages brillantes sur l' amitié, la lecture, la mort, les mots, la jeunesse, les moeurs, la responsabilité, pages où le désordre s'ordonne avec une candeur contrôlée, où le moraliste dévoile l'homme qui n'en conserve pas moins élégance et mystère. A une jeunesse qui le prend pour exemple et l'oblige à marcher droit, Cocteau s'adresse sans ménagements pour lui déclarer qu'elle manque à son devoir lequel est "d'être l'armée des grandes aventures de l'esprit" et non de siffler l'audace, d'organiser des monomes, de vivre dans une anarchie farceuse et de surface-, "je conseille donc aux jeunes d'adopter la méthode des jolies femmes, et de soigner leur ligne, de préférer le maigre au gras... par ligne, j'entends la permanence de la responsabilité... chez l'écrivain, la ligne prime le fond et la forme...c'est pourquoi je répète incessamment que le progrès moral d'un artiste est le seul qui vaille, puisque cette ligne se débande dès que l'âme baisse son feu".
Ces textes qui ont le chatoiement et la séduction d'une conversation brillante sont-ils autre chose que les propos d'un homme d'esprit -vivant selon l'esprit? En effet pour Cocteau, sensible aux mots et aux images, "l'animal, le végétal, le semence ou l’œuf "ne sont que rébus". Si la solitude l'entraîne au jardin, ce n'est que pour "y contempler l'absurde génie des fleurs", et seule la crainte du vide l'incite à "parler aux chiens... comme on lit des livres d'enfants". Arrivé au terme de cette oeuvre, Cocteau s'interroge et se juge "intrépide et stupide... toujours en fuite de quelque chose, en route vers quelque chose... tu as voulu ne te priver d'aucune cause. Te glisser entre toutes et faire passer le traîneau... Eh bien avance. Risque d'être jusqu'au bout."

La machine infernale, Jean Cocteau 1934 :

Pièce en quatre actes et en prose de Jean Cocteau (1889-1963), créée à Paris à la Comédie des Champs-Élysées le 10 avril 1934, et publiée à Paris chez Grasset la même année.

Thèbes, un chemin de ronde sur les remparts. Deux soldats ont vu un spectre. C'est celui de Laïus. Accompagnée de Tirésias, Jocaste vient se renseigner sur cette apparition. Mais c'est en vain que Laïus tente de prévenir sa veuve du danger qui la menace (Acte I. «Le Fantôme»). La nuit, en un lieu écarté, Œdipe s'entretient avec une jeune fille de dix-sept ans qui tente de le séduire. D'abord, il ne reconnaît pas en elle le Sphinx. Il raconte sa propre histoire, puis résout l'énigme et entre triomphalement dans Thèbes (Acte II. «La Rencontre d’œdipe et du Sphinx» ). Œdipe et Jocaste se trouvent enfin en tête-à-tête dans la chambre nuptiale. Tirésias, s'appuyant sur les oracles, a beau les mettre en garde contre l'aspect insolite de leur situation, ils s'abandonnent à leur destin (Acte III. «La Nuit de noces»). Dix-sept ans ont passé. Un messager puis un berger viennent révéler l'existence, derrière le masque apparent du bonheur, de la vérité tragique de la fable. Conformément à la légende, Jocaste se suicide, Œdipe se crève les yeux: le demi-dieu est enfin devenu un homme (Acte IV. «Œdipe roi»).

Les personnages essentiels et les grands traits de l'intrigue sont ceux de la tragédie grecque (Sophocle, Œdipe roi...). Une «voix», réminiscence du chœur antique, en rappelle d'ailleurs, avant chaque acte, les différentes étapes.
Mais au mythe classique se superposent une désacralisation ironique, caractéristique du théâtre moderne, et, surtout, l'imaginaire personnel de Cocteau avec ses thèmes récurrents, son badinage surréaliste, ses figures typiques et ses héros fétiches. La «machine infernale», c'est avant tout la cruauté des dieux, l'impitoyable logique d'un destin contre lequel viennent se briser les illusions ou la naïveté des hommes. Croyant tirer parti de sa chance, de son intelligence ou simplement de son droit au bonheur, Œdipe ne fait qu'accumuler les maladresses qui, justifiant les prédictions pessimistes de l'oracle, le conduisent à sa perte.

Parfois proche du vaudeville, tant Cocteau se plaît à rabaisser l'orgueil des héros et la pompe de ses illustres devanciers, la Machine infernale se réduit en bien des endroits à un drame familial où le ridicule, l'humour, la dérision concourent à démythifier l'image un peu figée que la légende nous a léguée des Labdacides. Tantôt burlesque, tantôt pathétique, la mythologie de Cocteau met en scène Oedipe sous les traits d'un personnage romanesque, idéaliste, rêveur. Il est condamné à demeurer incompris de ses contemporains. Comme Orphée, il souffre; comme lui, il doit mourir pour que son oeuvre puisse accéder à l'éternité. Il offre, à sa manière, un des multiples visages du poète.

Le bel indifférent, Jean Cocteau 1940 :

Drame en un acte et en prose de Jean Cocteau (1889-1963), créé à Paris au théâtre des Bouffes-Parisiens en 1940, dans une mise en scène de Raymond Rouleau, avec Édith Piaf et Jacques Pills, et publié dans les Oeuvres complètes à Lausanne chez Marguenat en 1950. En 1957, Jacques Demy en tourna une adaptation pour le cinéma.

Une «pauvre chambre d'hôtel éclairée par les réclames de la rue». Deux personnages: Elle et Lui. Seule, Elle parle; Lui tient un rôle muet. Elle va et vient, très agitée, ou bien écoute l'ascenseur et les bruits du couloir. Elle attend Émile. Lorsque la soeur de celui-ci téléphone, par orgueil, elle prétend qu'il est dans la salle de bains et ne peut répondre. A son tour, Elle téléphone à des amis communs: mais nulle trace d'Émile. Enfin Lui [Émile] entre! Sans un mot, il s'installe sur le lit, derrière son journal. Elle se déchaîne alors, hurle tout ce qu'elle a sur le coeur. Elle lui reproche de la laisser toujours seule, de sortir avec d'autres femmes, de ne pas l'aimer, de lui mentir sans cesse... Elle va le quitter, c'est sûr. Soudain, le téléphone retentit: c'est une de ses maîtresses qui voudrait lui parler. Mais il ne prend pas la communication; Elle lui en est pleine de reconnaissance et se penche sur Lui pour le remercier de son geste. Elle découvre alors qu'il dormait, à l'abri de son journal, et qu'il n'a rien entendu des propos qu'elle a tenus. D'ailleurs, maintenant qu'il sait qui a appelé, il se lève, prend son chapeau et sort.

Cet acte dramatique créé pour Édith Piaf a permis de révéler un autre aspect du talent de la célèbre chanteuse: celui d'une grande actrice. Car c'est bien un rôle tragique que doit incarner à elle seule le personnage féminin de la pièce. Tragédie de la jalousie, tragédie de la femme mûre névrotiquement attachée à un gigolo sans charme, désespérément solitaire au sein d'un couple où règne l'absence totale de communication. Lucide, elle reconnaît: «Je t'aime. C'est entendu. Je t'aime et c'est ta force. Toi tu prétends que tu m'aimes. Tu ne m'aimes pas. Si tu m'aimais, Émile, tu ne me ferais pas attendre, tu ne me tourmenterais pas à chaque minute, à traîner de boîte en boîte et à me faire attendre.» Mais, comme une héroïne racinienne égarée par la violence de sa passion et une mauvaise foi évidente, elle ne peut qu'accumuler les invectives, les reproches, une soif de vengeance qui la rendent haïssable.

Sont encore classiques l'unité de lieu, le bref laps de temps écoulé, le dépouillement du langage (il ne s'agit que d'un monologue vainement destiné à faire réagir le protagoniste masculin). Mais l'humour _ bien involontaire _ de la femme hystérique transforme cette scène (de ménage) classique en un mélodrame pseudo-conjugal où la Furie, à bout d'arguments, en arrive à s'autoparodier. «Les hommes sont fous. Fous et vicieux. Et funestes. Funestes. Tu es funeste. Voilà le mot, je le cherchais. Tu es funeste!», s'écrie-t-elle dans son délire.

Le Potomak, Jean Cocteau 1919 :

Précédé d'un "Prospectus 1916" et suivi des "Eugènes de la guerre 1915", ce roman fut publié en 1919 par l'écrivain français Jean Cocteau (1889-1963), puis réédité en 1924 en une édition définitive en partie originale. Cet ouvrage fut rédigée au cours des années 1913-1914. Au premier coup d'oeil, il donne l'impression de n'avoir pas été composé, d'être fait de bouts et de morceaux, de textes épars, de séries de dessins sans rapports avec le texte. Mais il faut mettre l'accent sur l'unité tout interne qui le dirige: il rend compte minutieusement de la crise contre soi-même qui tourmenta et purifia Jean Cocteau au moment de la guerre, avec la précision, la vérité de la poésie. Aussi bien ce livre prendrait-il légitimement place parmi les œuvres de poésie: mais s'il est vrai que le roman autobiographique (ce que celui-ci est avant tout et par tous les moyens) est proche de la poésie en ce qu'il met en lumière les profondeurs intimes de l'écrivain, alors l'équivoque est levée.

Notons la part importante réservée au dessin dans ce roman. La suite des "Eugène" en occupe le tiers et poursuit une aventure abstraite avec les moyens réservés d'abord à la notation sur le vif. On sent que ces monstres graphiques ont été dictés au poète par les mêmes "parlementaires de l'inconnu" qui le contraignaient à inventer le monstre écrit qu'est le "Potomak", exposé dans une cave place de la Madeleine. L'auteur y descendra en compagnie de personnages allégoriques: Persicaire, Argémone. On n'analyse plus cette Descente aux Enfers qui tient du roman noir, du dialogue philosophique, de la confession lyrique que ne s'analyseront plus tard les mirages d' "Orphée".

En 1939, Jean Cocteau publie "La fin du Potomak". Ce livre est, comme le premier, une autobiographie intérieure avec tout ce que cela suppose de ruptures, de développements dans la forme. Le "Potomak", monstre gélatineux porteur de poésie, mythe des deux ouvrages qui portent son nom, visible en 1913, est devenu, en 1939, invisible. De 1913 à 1939, le Potomak n'a cessé d'envoyer des ondes (entendez la poésie), mais en 1931 il avait cessé d'être visible. "De ce Potomak et de ses malaises, une oeuvre était née. Des lignes, des lignes et des lignes. Et je devais écrire une pièce nouvelle. Et j'étais parti pour l'écrire. Et je ne pouvais pas l'écrire. Et quelque chose m'obstruait. Et ce quelque chose s'échappe. Et ce quelque chose est ce livre! 1913-1939. Je boucle la boucle. Je ne retournerai pas dans la salle où le vide s'expose." Car si le "Potomak" est devenu invisible, même absent il continue de délivrer des messages. Le poète attend de ces messages un espoir. "Il fallait savoir que le monstre occupait l'estrade et que cet invisible se nommait Potomak." On voit encore le poète (l'oiseleur) aux prises avec le monde qui l'entoure: la princesse Fafner, Argémone l' incrédule, insensible aux ondes du Potomak, et Persicaire, sensible lui, qui devient ici, curieusement, une réincarnation de Raymond Radiguet.

Ces deux livres sont, de la jeunesse à l'âge mûr, bien évidemment du même homme. Toutefois le style de l'allégorie n'est plus le même. Dans le premier, la quête de soi n'était confiée qu'à des impulsions instinctives. Ici, l'apologie du néant laisse l'esprit souverain, et seul. Ces deux livres, résolument ésotériques et solitaires, ont eu l'étrange destin de précéder des bouleversements collectifs que rien n'égale dans l'histoire. Il faut peut-être voir en ce phénomène quelque analogie, comme si l'instinct des poètes était en rapport direct avec celui qui force les animaux à se cacher pour mourir.

Les enfants terribles, Jean Cocteau 1929 :

Roman de Jean Cocteau (1889-1963), publié à Paris chez Grasset en 1929. Film de Jean-Pierre Melville en 1950.

Provocateurs, cruels, mais aussi empreints de sensibilité et de poésie, les Enfants terribles mêlent à la peinture de l'adolescence quelques-uns des thèmes récurrents de la mythologie personnelle de l'auteur. Au cours des années vingt, profondément affecté par la mort de Raymond Radiguet, Cocteau, qui a abusé de la drogue, puis subi une cure de désintoxication, aurait écrit son roman à la clinique en moins d'un mois. Voici pour la part autobiographique qui se confond, comme toujours chez celui que la critique a appelé l'«enfant gâté du siècle», avec la légende.

Première partie : Les jeux du collège sont parfois violents, comme les sentiments. Gérard aime Paul, qui aime Dargelos. Un jour d'hiver, Paul _ quatorze ans _ reçoit en plein coeur une boule de neige (chap. 1). C'est le «chef», Dargelos, qui l'a lancée. Gérard ramène Paul chez lui. Sa soeur, Élisabeth _ seize ans _ le soigne avec un rare dévouement (2). On apprend que Dargelos a provoqué une véritable révolution à l'école en bravant le proviseur (3). Cependant, la mère d'Élisabeth et de Paul meurt (4). D'abord recueillis par un oncle, les trois enfants sont emmenés au bord de la mer (5), puis livrés à eux-mêmes. Ils retrouvent leur appartement parisien, coupé du monde. Ils le peuplent de leurs rêves et de leurs souvenirs: c'est leur trésor (6-7). Paul a définitivement abandonné ses études (8); sa soeur, devenue modèle, a rencontré une jeune couturière, Agathe (9-10).

Deuxième partie : Trois ans ont passé. Les sentiments ont évolué. Les passions se sont déplacées. Élisabeth épouse Michaël, un jeune et riche sportif qui se tue accidentellement juste après la cérémonie du mariage (11). Le trio se reforme (12). Agathe le rejoint. Élisabeth, qui veut continuer à régner sur son entourage, commet alors un triple mensonge. Elle fait croire à Paul, qui est maintenant amoureux d'Agathe, que celle-ci aime Gérard, et elle persuade ce dernier qu'Agathe l'aime (13). La tragédie s'installe en même temps que se forment le couple bourgeois Gérard-Agathe et le couple incestueux Élisabeth-Paul (14). Dargelos reparaît et relance dans l'intrigue non une boule de neige mais une boule de poison (15). Cette fois-ci, Paul en meurt. Élisabeth se suicide (16).

Le non-conformisme, qui a été l'arme à la fois mondaine et esthétique des diverses avant-gardes auxquelles l'auteur de Parade avait déjà largement participé, réapparaît en force dans le choix des thèmes: homosexualité, toxicomanie, vol, inceste. Comme dans les Faux-Monnayeurs de Gide, toutes les perversions de la jeunesse semblent réunies à plaisir pour choquer le lecteur adulte.
Dès le début du livre, l'élève Dargelos apparaît auréolé d'insolence et de beauté. C'est le «coq du collège». La métaphore n'est pas innocente. On y reconnaît l'étymologie consonantique que l'auteur lui-même attribuait à son nom: Coc-teau. C'est par lui que le scandale arrive. C'est lui qui se révolte contre l'ordre petit-bourgeois, qui déclenche la fatalité dont la boule de neige puis la boule d'opium sont l'emblème funeste. C'est lui encore qui annonce les jeux de l'amour et de la mort. Mais pour Élisabeth, Paul et bientôt Agathe, la vie elle-même est-elle autre chose qu'un jeu? Oisifs, vivant en marge des réalités quotidiennes, à l'abri des soucis matériels _ d'abord pauvres, ils sont entretenus par un médecin, un oncle lointain; puis le mariage d'Élisabeth les installe définitivement dans l'opulence, ils ne se préoccupent que de leur «trésor». Constitué d'objets fétiches apparemment sans intérêt, celui-ci est à la fois le symbole de leur moi le plus secret et du territoire sacré autour duquel s'organise un autre univers, celui de l'imagination, de l'irréel, de la magie: sans qu'ils s'en doutent, la pièce (chambre ou espace scénique?) qu'ils occupaient «se balanc[e] au bord du mythe».

Plus proches du conte fantastique que du roman d'analyse, les Enfants terribles mettent donc en scène une sorte de quête mystérieuse où s'accumulent des épreuves destinées à écarter les profanes et à assurer la cohésion des fidèles. Le désordre, matériel et affectif, est érigé en règle absolue. Le vol est un rite initiatique parmi d'autres. La folie, sans laquelle il n'y a pas de féerie possible, devient l'objet d'un culte dont Élisabeth, vierge souveraine, est la prêtresse maudite. Longtemps nié, repoussé par la magie de l'art ou du langage (la mort de la mère s'est inscrite dans la fable; celle de Michaël, transposition de la mort d'Isadora Duncan, semble n'être qu'une allégorie), le poids du destin demeure omniprésent et donne au récit la structure classique d'une tragédie antique.

Malgré les lazzis, une préciosité certaine dans les mots d'auteur («Cessant d'être une fille, et devenant une jeune fille, Élisabeth glissait de l'âge où les garçons se moquent des filles à l'âge où les jeunes filles émeuvent les garçons»), ce court roman témoigne du goût de Jean Cocteau pour une psychologie symbolique dont les figures de la mythologie grecque fourniront, d'Oedipe à Orphée, les plus beaux modèles.

Les parents terribles, Jean Cocteau 1938 :

Pièce en trois actes et en prose de Jean Cocteau (1889-1963), créée à Paris au théâtre des Ambassadeurs le 14 novembre 1938 et publiée à Paris chez Gallimard la même année.

Dans la chambre d'Yvonne. Après un malaise dont elle se remet rapidement, Yvonne apprend que son fils Michel (vingt-deux ans), auquel elle est plus que maternellement attachée, a disparu. Sa soeur Léonie (Léo) lui laisse entendre que Michel a sans doute simplement découché. D'ailleurs son mari aussi, Georges, pourrait avoir une liaison secrète. Michel rentre. Il raconte à ses parents l'objet de sa fugue: c'est une jeune femme de vingt-cinq ans, Madeleine. Jalousie de la mère. Sur les instances de Léo, la famille décide de se rendre le lendemain chez l'amie de Michel (Acte I).

Chez Madeleine. Roucoulades des jeunes amoureux. Madeleine révèle néanmoins à Michel qu'elle doit rompre avec un homme d'âge mûr qui l'a beaucoup aidée et qu'elle aimait: un certain Georges. Léo, Yvonne et son mari arrivent. Chacun, pour des raisons diverses, a la ferme volonté de faire échouer le mariage de Michel avec Madeleine. Mais quelle n'est pas la surprise de celle-ci lorsqu'elle découvre que son ancien amant, Georges, n'est autre que le père de Michel! De moeurs légères peut-être, Madeleine n'en a pas moins le cœur généreux. Elle accepte de renoncer à Michel et provoque d'elle-même la rupture (Acte II).

Dans la chambre d'Yvonne. Revirement de Léo. Secrètement envieuse du bonheur d'Yvonne, qui a su épouser Georges, et pour séparer définitivement Michel de sa mère, elle organise une rencontre avec Madeleine, qui reconquiert Michel. C'est plus qu'Yvonne ne peut supporter. Victime de son propre jeu, ce n'est pas à un malaise qu'elle succombe cette fois-ci, mais à son amour incestueux pour son fils: elle se donne la mort (Acte III).

«J'ai voulu essayer ici un drame qui soit une comédie et dont le centre même serait un noeud de vaudeville si la marche des scènes et le mécanisme des personnages n'étaient dramatiques» (Préface): les Parents terribles, comme les Enfants terribles l'avaient déjà fait, traitent sur un mode badin et avec une légèreté ironique propres à Cocteau des thèmes fondamentalement tragiques : cruauté de l'amour, difficulté d'être, sentiment absurde de l'existence. S'il existe des portes dans la pièce, c'est pour que le malheur puisse entrer et sortir; s'il y a une chaise, c'est pour permettre au destin de s'asseoir un instant. Le décor, comme la psychologie des personnages, est manifestement plus symbolique que réaliste. La mise en scène, elle aussi, accentue les aspects didactiques: au désordre de la «roulotte» (c'est ainsi que l'on appelle la chambre d'Yvonne), s'oppose le luxe sécurisant de l'appartement petit-bourgeois qu'occupe Madeleine. L'action repose sur ce questionnement conflictuel qui semble hanter l'univers intérieur de Cocteau: le rêve, l'illusion, mais aussi le refus permanent des normes sociales et morales sont-ils viables? Ici, l'amour maternel devient passion dévorante, le père est d'une faiblesse inquiétante; tante Léonie _ Léo, préfiguration consonantique de Léone, sphynge du poème qui porte ce nom _ joue avec les membres de sa famille comme avec des pantins dont elle tire les ficelles: le sort semble se moquer de la douleur humaine et le dénouement est immanquablement tragique. La seule arme dont la créature dispose est la poésie. Parade dérisoire, le langage tente d'exorciser le réel, mais les jeux de mots ne peuvent rien contre la fatalité, et si, à la fin de la pièce, Léo peut renvoyer la femme de ménage en assurant que tout est «en ordre», on voit combien cet ordre domestique peut sous-entendre de souffrance. A peine dissimulé, le visage du fatum antique cher à Cocteau (voir Orphée) réapparaît ainsi de façon menaçante derrière la façade du théâtre de Boulevard.

Lettre à Jacques Maritain, Jean Cocteau 1925 :

Lettre de l'écrivain français Jean Cocteau (1889-1963). Datée de Villefranche, octobre 1925, cette lettre suscita la vive "Réponse à Jean Cocteau" que Jacques Maritain signa en janvier 1926. Cette lettre du poète "ferme une bouce qui commence avec "le Coq et l'Arlequin" -voir "Poésie critique"- au dire de l'auteur, mais elle résume surtout l'état d'esprit du poète après une crise qui devait commencer à la mort de Radiguet, se poursuivre par ce qu'à tort on appela une "conversion", et trouver son aspect le plus tragique dans l' opium -voi "Opium". Tous ces faits sont évoqués dans la "Lettre", mais Cocteau y développe surtout la théorie, suspecte à Maritain, de l' art, de la poésie d'origine divine, similaire de la grâce et de la contemplation mystique: "L'art pour Dieu". A quoi Maritain répondra que c'est "un joli monstre offert par les poètes au dieu de saint Thomas". Jean Cocteau s'est expliqué depuis lors. Il a dit que, vaincu par la trop grande solitude inhérente à son oeuvre, il avait voulu se trouver une famille, un séjour spirituel. L'Eglise catholique les lui apportait. La "Lettre" était d'une grande audace en ce sens. Elle tentait de passer au compte de Dieu les audaces que l'on a l'habitude de verser à celui du Diable. Elle voulait d'une pureté rituelle faire une pureté visible et spontanée. Mais l'Eglise veille. La bombe de Jean Cocteau fut promenée dans de l'ouate de main en main pour l'empêcher d'éclater. C'est pourquoi, ce serait une erreur de ne voir dans la "Lettre à Jacques Maritain" qu'un faux pas et une manoeuvre. Lorsque Cocteau affirme: "Dieu, ordre du mystère", il saisit en plein coeur l'essence d'un surnaturel, auquel moins que tout autre il n'eût voulu rester étranger. Seulement, s'il se pouvoit en cassation devant Dieu, il sent bien qu'il résisterait mal à n'être dans l'intervalle qu'un justiciable. C'est là que se lézarde la prison de la Grace. Et dès qu'il fait mine d'y entrer, on devine que le poète ne se refusera pas à la tentation de fuir. Jacques Maritain, de son côté, fidèle à son admirable expérience de l' irréductibilité par quoi se défendent contre la grâce même les âmes pures, mit en oeuvre toutes les ressources de sa dialectique de l'amour. "Comme le saint achève en soi l'oeuvre de la passion, le poète, lui, achève l'oeuvre de la création, collabore à des équilibres divins, déplace le mystère; il est conaturalisé aux puissances secrètes qui se jouent dans l'univers". Jean Cocteau ne devait, en ceci, jamais le démentir.

L' aigle à deux têtes, Jean Cocteau 1947 :

Pièce en trois actes et en prose de Jean Cocteau (1889-1963), publiée à Paris chez Gallimard en 1947, et créée à Bruxelles en 1964.

Au château de Krantz, dix ans après la mort de son époux Frédéric, la Reine est seule dans sa chambre. Soudain, un jeune homme blessé fait irruption. C'est Stanislas, un anarchiste. La Reine le cache à sa police bien qu'elle apprenne de sa propre bouche qu'il est l'auteur de textes subversifs et qu'il était venu avec l'intention de la tuer. Aussi idéaliste qu'elle, ce jeune poète, qui ressemble trait pour trait au roi Frédéric, ne tarde pas à succomber au charme de la souveraine (Acte I).

Celle-ci congédie sa lectrice, Édith de Berg, et prend le jeune bandit à son service. Bientôt elle lui avoue à son tour qu'elle l'aime. Mais la cour, avec ses manœuvres secrètes, referme son étau sur ce couple hors du commun (Acte II).
Démasqué par le comte de Foëhn, Stanislas est acculé au suicide. Il s'empoisonne. La Reine ne saurait alors lui survivre: elle feint de ne plus l'aimer et de s'être contentée de jouer avec ses sentiments. Hors de lui, Stanislas la poignarde, juste avant d'expirer. Elle-même, avant de mourir dans les bras de son amant, lui révèle qu'elle n'a jamais cessé de l'adorer. Le couple, ainsi réuni par la fatalité, justifie le titre de la pièce et ne forme plus qu'un seul corps: l'aigle à deux têtes (Acte III).

S'inspirant librement du mythe tragique des maisons d'Autriche et de Bavière, Jean Cocteau invente pour sa pièce des personnages romantiques, mettant le dédain des normes sociales au service d'une valeur suprême: la poésie. Une reine de tempérament libertaire et un jeune plébéien d'esprit royal s'y affrontent jusqu'à ce qu'ils reconnaissent dans leur antagonisme même l'expression de leur amour. Amour fait de haine et de violence, où les rapports de force s'inversent et qui ne peut aboutir, comme toutes les grandes passions symboliques, qu'à la mort. Ultime initiation, celle-ci réalise, par-delà les contraintes de la vie matérielle, la fusion des âmes.

Reine mystérieuse, «au visage si beau qu'il fait peur», «rayonnant de poignards comme une vierge espagnole», l'héroïne apparaît comme un personnage héraldique, attirée par le désordre, la provocation non conformiste, la folie. Livrée à la solitude sur cette épave qu'est le château de Krantz, elle peut flotter, comme le couple incestueux des Enfants terribles, «à la dérive sur l'éternité». Créatrice, comme Orphée, de sa propre légende, elle poursuit son rêve et lui sacrifie sa vie qu'elle mue ainsi en destin.

Drame psychologique aux accents hugoliens, drame de l'individu en quête de son identité, l'Aigle à deux têtes propose aussi une vision originale de la politique et des rapports sociaux. Dominée par les hypocrisies de l'étiquette, par l'intrigue, par les rivalités personnelles, la vie de cour se présente comme l'archétype des institutions qui sont toujours, dans l'oeuvre de Cocteau, perverses et aliénantes. Le scandale qu'introduit le poète, l'aspiration à une vie sauvage, la rébellion instinctive contre l'ordre établi, mais aussi l'hypertrophie de l'égoïsme: autant de cris à travers lesquels l'homme exprime sa révolte, sa soif de bonheur, son ardent besoin de liberté. L'aigle décapité, le tumulte des passions s'estompe dans la nuit. Le monde reprend son allure routinière. Est-il indifférent ou transformé par les bouleversements affectifs dont, en quelques heures, il a été le théâtre ? Cocteau ne conclut pas. Il note simplement: «L'hymne royal continue.»

Opium, Jean Cocteau 1930 :

Récit publié en 1930 par l'écrivain français Jean Cocteau (1889-1963). Ce livre est dédié à Jean Desbordes "qui possède au naturel cette légèreté profonde que l'opium imite un peu". Il fut écrit et "dessiné" (il est en effet abondamment illustré par l'auteur) à la clinique de Saint-Cloud, de décembre 1928 à avril 1929, durant une cure de désintoxication que subissait le poète; un certain nombre de notes ont été ajoutées en 1930, sur les épreuves. C'est d'abord le journal, au jour le jour, de la désintoxication et des réflexions qu'elle inspire au poète sur les effets de l'opium et sur les rapports entre l'opium et la poésie (la "vitesse"). Mais "Opium" n'est que d'assez loin le témoignage du drame de la création et de l' inspiration occulte. "Je ne plaide pas. Je ne juge pas. Je verse des pièces à charge et à décharge au dossier du procès de l'opium" déclare l'auteur. Pourtant, il semble qu'avant tout ce livre soit un effort pour se donner du jour. En cela, "Opium" trahit son objet. Un homme parle, souffre, mais parce qu'il entreprend de s'opposer. Le procès de la drogue n'a donc pas lieu. Pourquoi? Parce que le poète en définitive ne lui appartient pas. L'essentiel de son aventure d'opiomane tient en ce qu'elle confirme justement qu'il n'en est pas un, et qu'il garde une absolue liberté jusqu'en ce domaine pourtant terriblement exclusif. "Opium", journal d'une désintoxication certes, journal d'une évasion douloureuse, ne ressemble donc à aucun des livres fameux que les paradis artificiels ont fait naître; on y remarque même une lucidité si directe que pour un peu on la trouverait anormalement exempte de toute emprise faustienne. Personne n'a moins vendu son âme au diable que Jean Cocteau. Par contre, le livre contient des vues tout à fait aérées sur l'art d'écrire, le don de l'esprit, l'essence de l'oeuvre. Il est de ces ouvrages dont le modèle est au XVIIIe siècle; il sonne juste et bref. De nombreuses notes concernent en particulier les oeuvres qui préoccupaient particulièrement le poète en cette période: "Les enfants terribles", écrits à Saint-Cloud en dix-sept jours, "Orphée". On y trouve également des propos sur Raymond Roussel, Marcel Proust, Bunuel, Eisenstein.

Le poète y rêve même d'écrire un jour un "Œdipe et le Sphinx", une sorte de prologue tragi-comique à "Œdipe Roi", précédé lui-même d'une grosse farce avec des soldats, un spectre, le régisseur, une spectatrice. Ce livre, capital pour comprendre Jean Cocteau entre 1920 et 1930, témoigne d'une lucidité rare. Et peut-être doit-il une part de son inouïe "légèreté" à la substance dont le poète voulait dénoncer le prix à l'instant de la quitter.

Orphée, Jean Cocteau 1926 :

«Tragédie» en un acte et en prose de Jean Cocteau (1889-1963), créée à Paris par la compagnie Pitoëff au théâtre des Arts en juin 1926, et publiée à Paris chez Delamain et Boutelleau en 1927.

Inlassablement repris par Jean Cocteau, le mythe d'Orphée a donné naissance à un cycle où le héros grec incarne d'abord les affres de la création poétique, puis devient le fil conducteur d'un véritable rituel initiatique: Orphée (tragédie), 1926; le Sang d'un poète (film), 1930; Orphée (adaptation cinématographique de la pièce), 1950; le Testament d'Orphée (film), 1960.

En Thrace, au domicile d'Orphée. Celui-ci écoute les messages de l'au-delà transmis par un cheval frappeur tandis que son épouse, Eurydice, lui reproche de trop s'occuper de poésie et pas assez d'elle. Aussi, en l'absence d'Orphée, se propose-t-elle de tuer le cheval avec l'aide d'un curieux vitrier qui s'élève parfois dans les airs: Heurtebise. Aglaonice, reine des bacchantes, lui a justement remis du poison sous la forme d'un sucre et d'une enveloppe qu'Eurydice lèche à son insu: elle meurt. De retour chez lui, Orphée constate que sa femme a disparu. Pour la retrouver, il doit traverser un miroir et descendre au royaume des morts. Il en revient avec Eurydice _ qu'il ne doit pas regarder. Interdiction qu'il enfreint par maladresse. Il la perd. Cependant, Aglaonice et les bacchantes se déchaînent contre lui, le démembrent et le décapitent. La police mène son enquête avec pour interlocuteurs la tête d'Orphée et Heurtebise. Dans la dernière scène, alors que le décor disparaît, Orphée et Eurydice rentrent par la glace. Ils sont conduits par Heurtebise: le vitrier volant était leur ange gardien.

Si elle suit les grandes lignes de la légende, cette «tragédie en un acte et un intervalle» n'en est pas moins un modèle d'irrespect à l'égard du chantre de Thrace. La fantaisie de Cocteau s'exerce sous la forme parodique chère aux surréalistes. Multipliant les effets scéniques invraisemblables, accumulant les anachronismes, le poète démythifie aussi les conventions du théâtre bourgeois, réaliste et sérieux. L'univers de sa pièce est celui du surnaturel : si Eurydice est en quête de simplicité, Orphée, lui, n'hésite pas à «traquer l'inconnu», dût-il se couvrir de ridicule.

Les personnages de la fable antique sont en effet traités sur le mode dérisoire des préoccupations quotidiennes, et n'échappent pas à la trivialité.
Orphée se rend-il seulement compte que l'acrostiche que lui souffle le ciel, «Madame Eurydice Reviendra Des Enfers», forme le mot de Cambronne ? Mais ils rencontrent aussi une autre mythologie, non moins dérisoire, celle du monde moderne, avec ses gadgets, sa technicité de pacotille, ses clichés culturels tels que Roland Barthes les recensera, justement, dans Mythologies. Ainsi la mort communique ses ordres avec une «machine électrique»; les bacchantes deviennent l'allégorie du public malveillant, des cabales qui déchirent l'artiste; le sacrifice du poète lui-même semble nécessaire à la survie de son oeuvre. Le symbole de la tête statufiée souligne ce paradoxe: pour accéder à l'éternité, il faut savoir donner sa vie en pâture aux critiques.

A cet inventaire de situations tragiques mais toujours irréelles sinon ubuesques, il convient d'ajouter les hantises personnelles de Cocteau, la présence énigmatique du vitrier, l'obsession des miroirs («Ces portes par lesquelles la mort va et vient»), l'identification quasi complète enfin aux différentes étapes de la légende. Cocteau s'est suffisamment expliqué dans son journal sur la métaphore du vitrier dont la hotte figure les ailes de l'ange, et sur le glissement de Gabriel à Heurtebise. La genèse d'Orphée est éclairante. On peut y voir une fable biblique se métamorphoser en drame du néopaganisme pour donner naissance à une mise en scène à peine déguisée de l'inspiration poétique: «Ma pièce devait être primitivement une histoire de la Vierge et de Joseph, des ragots qu'ils subirent à cause de l'ange (aide-charpentier), de la malveillance de Nazareth en face d'une grossesse inexplicable, de l'obligation où cette malveillance d'un village mit le couple de prendre la fuite. L'intrigue se prêtait à de telles méprises que j'y renonçai. Je lui substituai le thème orphique où la naissance inexplicable des poèmes remplacerait celle de l'Enfant divin.»

Un tel éclectisme est caractéristique de la modernité de Cocteau, parfois considéré, du fait même de ses outrances, de sa désinvolture à l'égard des valeurs établies, comme un mystificateur. Non conformiste, de l'aveu même de l'auteur, la pièce s'inscrit néanmoins dans le courant de désacralisation des mythes qui ira en s'amplifiant aussi bien dans le théâtre de Giraudoux (voir Électre) que chez Anouilh (Antigone) ou Sartre (les Mouches). La profanation, la provocation sont omniprésentes, au même titre que l'humour: la mort prend des gants (de caoutchouc!) pour négocier avec les humains. Le rôle d'Heurtebise est souligné par l'inévitable jeu de mots sur le vol, dont Eurydice évoque incidemment l'inquiétante polysémie: «Je n'aime pas les fournisseurs qui volent», dit-elle avec une méfiance toute prémonitoire! Ainsi le destin pathétique d'Orphée est-il largement compensé par le comique de situation, le visage familier de la mort, l'intimité de la scène finale: l'orphisme y prend les allures d'un drame domestique. Sa dimension véritablement métaphysique n'apparaîtra que dans les oeuvres destinées à l'écran, plus particulièrement dans le Testament d'Orphée, où l'itinéraire du héros, remontant jusqu'au culte d'Osiris, empruntera la voie réservée aux initiés des religions les plus vénérables de l'humanité.

Thomas l'imposteur, Jean Cocteau 1922 :

Roman de l'écrivain français Jean Cocteau (1889-1963), publié en 1922. C'est la guerre. Alors que Paris se vide de ses habitants, Mme de Bormes se félicite de pouvoir demeurer dans la capitale menacée par l'occupation: elle doit veiller sur sa fille Henriette qui y est hospitalisée. Cette femme, pour qui la guerre est un vaste théâtre, ne peut se résoudre "à vivre en marge de ce qui a lieu", elle va s'employer à soigner les blessés. Mais personne ne prendra son entreprise au sérieux jusqu'à l'arrivée, dans un hôpital civil d'un jeune sous-officier, qui se prétend le neveu du général Fontenoy. En réalité, Guillaume Thomas est un imposteur. Il est simplement né à Fontenoy. Orphelin, vivant à Paris auprès d'une tante dévote, c'est par réaction qu'il a très tôt appris à connaître les délices du mensonge. Dans cette époque bouleversée, ce jeune homme de seize ans, qui dit en avoir dix-neuf, endosse l'uniforme d'un de ses camarades pour jouer au soldat. Prenant son rôle au sérieux, le héros va compléter ses accessoires de jeu par un galon et une ascendance illustre. Guillaume dupe sans malice; la peau dans laquelle il vit le surclasse en lui donnant l'occasion de servir les plans désintéressés de Mme de Bormes. Le nom de Fontenoy ouvre toutes les portes, y compris celles du drame. D'ailleurs, l' adolescent est estimé de tous. "N'ayant jamais à observer la prudence qui perd les coquins, il racontait cet épisode héroïque (celui, inventé, de la mort de ses cousins)... à table, devant des hommes rompus à l'exercice. Il roulait civils et militaires, tant il est vrai que, même fausse, la vérité sort de la bouche des enfants." Henriette, rétablie, ne le laisse pas indifférent: mais l'aimer oblige Thomas à redevenir lui-même, à sortir de sa légende. Il réussit à aller servir dans les tranchées, mais dès lors que le jeu rencontre la réalité, Thomas doit aller jusqu'au bout du jeu, où le mène son "étoile de mensonge", et inexorablement. Volontaire pour reconnaître les lignes ennemies, Thomas vit la dernière phase de son aventure, celle où le jeu se transforme en drame. Atteint mortellement à la poitrine, il s'écroule en disant: "Je suis perdu si je ne fais pas semblant d'être mort." Et l'auteur conclut: "Mais en lui, la fiction et la réalité ne formaient qu'un. Guillaume Thomas était mort." Cocteau a voulu pendre l' intraitable exigence de la jeunesse en même temps que le porte-à-faux auquel est condamné le poète vis-à-vis du monde réel. La limpidité de son style fait merveille dans cette fable où le mensonge n'est que l'un des avatars de la transparence: celle du rêve et de la poésie, que le monde brise mais qui l'éclairent, et qui en en transmuent les valeurs.

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