Brève biographie de Victor Hugo

Cette rubrique liste la chronologie de la vie et de l'oeuvre du poète romantique français Victor Hugo.

Victor Hugo est un poète, dramaturge, prosateur et dessinateur romantique français, né le 26 février 1802 à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris. En savoir plus sur Wikipédia.

Biographie et œuvres de Victor Hugo :

Fonds d'écran de Victor Hugo (Noir & Blanc)
Victor Hugo
Victor se jette alors dans la rédaction. Il ne s'accorde aucun loisir. Il piaffe, s'acharne, explose. Il assure presque seul, durant quinze mois, voulant donner au public l'impression d'une composition nombreuse, la rédaction d’une revue, Le Conservateur littéraire donné pour ultra et anti-romantique, qu'il fonde avec son frère Abel. Il écrit sous onze pseudonyme et livre au Conservateur cent douze articles, longs comme on les faisait là, solidement charpentés, allant au fonds des choses. Sans compter vingt-deux poèmes inédits. Le chef-d’œuvre en est assurément le poème du Télégraphe , qui raille les libéraux et les ministériels, avec une verve, un esprit, une bonne humeur qui font songer à Voltaire plus qu’à Joseph de Maistre. Contrairement aux espérance d'Abel, la revue ne va pas enrichir ses fondateurs. Elle ne va pas non plus les ruiner. On lit la revue des Hugo. On en parle. Et bien davantage on parle du principal rédacteur, Victor Hugo si jeune, et dont tout le monde, désormais, répète qu'étant à dix-huit ans parvenu si loin, il est impossible de savoir jusqu'où il ira.
Par l'intermédiaire de sa revue Hugo publie une Ode sur la mort du Duc de Berry, à la mort de ce dernier en février 1820. Elle fera grand effet. Louis XVIII, fort ému, aimera à en réciter quelques vers. Il en témoignera sa satisfaction en versant une gratification à l'auteur.
Cette ode permet à Victor de rencontrer le duc de Rohan, Lannenais, Lamartine, et surtout son idole Chateaubriand.

Il publie ensuite une première version de son premier roman Bug-Jargal (1820), dont le sujet est une révolte de Noirs à Saint-Domingue. Les débats à la chambre sur l'indépendance de l'île ont sans doute déterminé Hugo à développer en court roman la nouvelle écrite sur un pari en 1819 ; surtout l'intrigue, fondée sur le dévouement et le sacrifice, explore, au travers de l'asservissement colonial, les réalités humaines et sociales de la Terreur et de la domination de classe. Bug-Jargal était destiné au conservatoire, mais la revue fusionne avec les Annales de la littérature et des Arts. Quand on s'unit à plus puissant que soi, on se donne la mort.
Pendant ce temps, l'état de santé de Sophie, qui depuis des mois est malade, s'aggrave. Une seconde fluxion de poitrine se déclare. On la tire de la période aiguë, mais les poumons sont atteints. Un soir, alors qu'il s'approche d'elle et l'embrasse, il l'a trouve glacé. Sophie Trébuchet vient de mourir de tuberculose le 27 juin 1821.

Le lendemain, Adèle se promène dans son jardin. Elle voit soudain Victor qui lui annonce l'affreuse nouvelle. Le soir même Mr Foucher rend une visite de condoléances à Victor et en profite pour conseiller à Victor et son frère de quitter Paris et d'aller rejoindre leur père. Mr Foucher tient surtout à ce que l'amoureux de sa fille inscrive le plus de lieues possible entre lui et sa Adèle. Victor l'a très bien compris. Léopold ne vient pas à l'enterrement. Lui même se débat dans des difficultés d'argent qui rend un tel voyage presque impossible. Pour lui le seul résultat tangible de la disparition de Sophie sera de lui permettre d'épouser enfin Catherine Thomas. Le mariage civil est célébré moins d'un mois après le décès de Sophie. Les fils Hugo vont choisir d'ignorer le mariage de leur père. Ils ne l'ont félicité ni d'ailleurs critiqué. Comment le pourraient-ils ? Ce n'est que grâce aux subsides du général qu'ils peuvent tenter de survivre.

Chez sa mère, Victor vivait pauvrement. Ce qui commence pour lui c'est une ère de quasi-misère. Dans quelques semaines, il devra aller vivre dans une mansarde qui sera encore trop onéreuse pour lui. Mais pour l'heure, Victor ne supporte plus l'absence d'Adèle. Il est à bout. Alors, pour conquérir le cœur d'Adèle auprès de ses parents, Victor va rendre visite aux Foucher alors qu'ils sont à Dreux. Pierre Foucher ne croit pas aux arguments de Victor, mais devant tant d'amour si ardemment proclamé, il se laisse fléchir. Les deux jeunes gens se quittent fiancés. Cependant, pour rendre publiques ces fiançailles, on attendra que la position de Victor se révèle plus solide. Adèle et lui pourront se rencontrer au Luxembourg une fois par semaine mais jamais seuls.

1822 marque son véritable début dans la vie comme dans la carrière des lettres. Le 8 juin, paraît en librairie son premier recueil poétique, encore classique par sa forme mais plein d’audace : Odes et poésies diverses. En octobre, Victor épouse Adèle à Saint-Sulpice. La noce se fait au prix d'une culpabilité aggravée par l'indifférence du père resté à Blois, la jalousie délirante voir la schizophrénie d'Eugène qui n'accepte plus d'être le perdant de la rivalité entre Victor et lui, et une situation précaire qui s'améliorera grâce à la confirmation d'une seconde pension de Louis XVIII.
Ce qu'Adèle découvre de cette première nuit d'amour, c'est un Victor "vendangeur ivre", comme dira Lamartine. Il lui prouve neuf fois son désir. Pour l'excuse de Victor, on est tenté d'admettre qu'il rattrapait le temps perdu. Mais lui qui avait attendu près de quarante mois aurait bien pu étaler son impatience sur plusieurs nuits. C'est sur une jeune épouse stupéfaite, éperdue, physiquement meurtrie, qu'il s'acharne ; cela engendrera vite une grossesse.
L'aurore qui va suivre va marqué le début d'une nouvelle tragédie. Eugène, devenu fou, est finalement interné dans un établissement psychiatrique. Victor a frappé à la porte de personnage haut placés et a obtenu gain de cause : Eugène sera soigné aux frais du gouvernement. Il mourra de folie en 1837 à Charenton.

Le début de l'année 1823 c'est avant tout l'achèvement et la publication de Han d’Islande - chevalerie romanesque et sentimentale, par laquelle Hugo dit le dévouement de sa passion pour Adèle ; épouvante, à demi enjouée, avec l'abominable Han : ce petit monstre bestial ravageant les contrées pour venger la mort de son fils, dans le crâne duquel il boit du sang humain ; intrigue politico-policière d'usurpation et de cassette à documents dont dépend le sort du royaume. C'est l'un des premiers romans du siècle à montrer une révolte ouvrière de la misère.
Le 16 juillet 1823, c'est l'accouchement du premier enfant. Difficile est la mise au monde de ce petit garçon que l'on va baptiser Léopold. Victor a souffert les remords et les angoisse qu'ont traversées tous les pères en de telles occasions. Il a tremblé pour la vie de la mère et de l'enfant. La longueur de l'accouchement et ses suites vont laisser Adèle blessée, affaiblie. Ce petit être va connaître plusieurs nourrisses, plus ou moins satisfaisante, car Adèle ne peut allaiter. Ce sera finalement Léopold et Catherine qui le garderont à Blois. Au bout de neuf mois, la santé du petit s'aggrave. Il meurt le 12 octobre 1823.

Hugo va tenter de soulager sa douleur par un poème : A l'ombre d'un enfant. A l'instant où Hugo écrit, la crise religieuse qu'il venait de traversée reprend. Tout à coup, dans le paroxysme de cette douleur, c'est naturellement qu'il s'ouvre à l'espoir chrétien.
Depuis quelques années, les littéraires ont répudié les grivoiseries païennes de l'Empire au profit du merveilleux chrétien de Chateaubriant. En amour, ils donnent la préférence au platonisme plutôt qu'à la sensualité. Ils commencent à regarder du côté du Moyen-Age. Ils ont beaucoup de choses à dire qu'ils croient original. Ils se sentent une infinité de besoins communs. Bref, ils se trouvent très exactement dans les conditions qui préludent en général à l'idée d'une revue.
Soumet, Guiraud, Deschamps, n'y tiennent plus. Cette revue il faut la faire. Ils sollicitent Desjardins, Saint-Valry, et Vigny de figurer avec eux au nombre des fondateurs. Avec, bien entendu, Lamartine et Hugo. Parmi les autres collaborateurs, on trouve Gay, Lefèvre, Resseguier, Pons, Desbordes-Valmore, Baour-Lormian et Nodier. Ils fondent ainsi la Muse française, et Hugo assiste aux premières réunions du cénacle de Nodier.
Suite à la faillite de Persan, l'éditeur de La Muse, Victor perd 650 francs sur les mille investi. Il enrage mais signe déjà un autre contrat avec un autre éditeur, Ladvocat. Ce que Hugo engrange à cette époque, ce sont des odes, toujours des odes. Parfois il lui vient une frénésie d'inspiration. Dans le seul mois de décembre 1823, il n'en compose pas moins de dix. En janvier, trois nouvelles.
La bataille académique qui oppose les classiques aux romantiques va sonner l'arrêt de mort de La Muse. C'est le 15 juin 1824, peu après l’éviction de Chateaubriand du ministère, que la Muse est sabordée. Le 20 juillet, Soumet, que les sondages, quelques semaines plus tôt, donnaient perdant, est élu sans coup férir. Impossible de ne pas voir là un quelconque marchandage.
Hugo ne gardera qu'un souvenir mitigé de cette revue, estimant que la critique modéré et pacifique de ses collaborateurs n'avait pas l'âpreté et l'audace passionnée qu'il faut dans les époques de révolution littéraire. C'était comme un lieu de congratulations mutuelles.
Hugo s'écarte des Ultras mais rayonne déjà comme l'un des chefs, avec ses amis Vigny et Lamartine, du nouveau mouvement, le romantisme, dont les idoles sont Chénier, Byron et Chateaubriand.
Une nouvelle grossesse et le 24 août 1824, c'est une petite Léopoldine qui fait son entrée au domicile des Hugo. Par ses petits cris, la petite fille prouve qu'elle tient fort à la vie. Très vite on la surnommera Didine.
Une naissance, une mort. Trois semaines après la venue de Léopoldine, un grand changement va se produire en France : le roi Louis XVIII expire. Le comte d'Artois, son frère, lui succède sous le nom de Charles X.
Convoqué au sacre de Charles X à Reims, en 1825, Hugo paie d'une ode sa reconnaissance et sa Légion d'honneur obtenue quelques jours plus tôt. Cette ode est un succès. Charles X offre à Hugo, qui conteste les classiques mais encense le trône, l'entrée dans une carrière officielle.
Au sacre de Charles X, Hugo avait retrouvé Lamartine qui avait fait promettre de lui rendre visite à Saint-Point. Lamartine avait invité aussi Nodier. Il profite de l'occasion pour étendre leur voyage jusqu'aux Alpes. Déception : fin juillet Lamartine n'ira pas au Mont-Blanc. Il n'en attendra pas moins les voyageurs à Mâcon, chez lui. Quelques jours avant le départ, tout est remis en question. Victor est pris d'un torticolis "très aigu". Avant d'annuler le voyage, Hugo prit l'avis d'un médecin. Ce dernier lui conseilla de partir : la distraction, le grand air, le guériraient plus sûrement que les ordonnances. Les Alpes seront pour Hugo une stupeur et un éblouissement. A Chamonix surtout, il laissera son enthousiasme s'exalter devant une mer de glace. Il n'oubliera jamais ce voyage, associant sans nul doute aux souvenirs de sa jeune gloire la présence d'Adèle et de Léopoldine.
De retour, il reste assis chaque jour de longues heures dans son minuscule cabinet de travail. Il commence à révéler son goût romantique du pittoresque et son habilité rythmique qu'il écrit pour les ballades, jointes en 1826 aux classiques Odes (la version finale sera livrée en 1828). Entre deux Odes, Victor se paye le luxe de réécrire Bug-Jargal qu'il publie sans nom d'auteur.
Pendant qu'Adèle vient de donner naissance à un petit garçon que l'on baptise Charles (1826), ces Ballades et Odes lui permettent de côtoyer intimement Sainte-Beuve. Hugo rencontre alors le désir de la jeune génération de bouleverser la vieille tragédie pour faire entrer sur scène le monde contemporain et l'histoire. De ce contact il publie, en 1827, sa première tragédie, La Préface de Cromwell, où l’auteur se pose en théoricien et en chef du romantisme et qui en devient immédiatement le manifeste du théâtre romantique. Ce traité se divise en trois parties : la première, à finalité destructrice, condamnait les règles aristotéliciennes de l'unité de lieu et de temps (deux des règles appliquées dans le théâtre classique), la deuxième partie recommandait en revanche de conserver la seule règle aristotélicienne acceptable, celle qui concernait l'unité d'action, tandis que la troisième partie affirmait le droit et le devoir, pour l'art, de représenter la réalité sous tous ses aspects. Hugo définissait ainsi, contre l'esthétique du théâtre classique, les règles d'un nouveau genre théâtral, le drame romantique.
Ce drame romantique se caractérise par l'introduction du laid et du grotesque sur la scène théâtrale, par un plus grand souci de la couleur locale et surtout par le mélange des genres puisqu'au sein d'un même drame figurent des éléments tragiques et comiques.

En 1828, la mort de son père, révèle à Victor, comme au Marius des Misérables, les grandeurs de l'ère napoléonienne. Il se détourne alors de sa dévotion monarchique, revendique l'héritage paternel, fait graver sur ses cartes "baron Victor Hugo".
Au lendemain de cette mort il écrit un roman déviant, le Dernier Jour d'un condamné (1829), qui dit l'horreur de la peine de mort et dénonce le prix d'inhumanité dont se paie l'ordre social. C'est la première fois, et non la dernière, que Hugo compromet sa réussite.
L'image privée est aussi contrastée. L'idole de toute une génération de jeunes "sauvages", dont l'excentricité tapageuse et républicaine, les cheveux longs, les cigarettes et les "orgies" effarouchent le bourgeois, est aussi glabre, sobre, strict. Devant ces célibataires bohèmes, le poète pouponne sa charmante famille.
La publication des Orientales (1829), qui exploitent avec un éclat et une virtuosité incomparables le goût et la sympathie des contemporains pour l’Orient et le Moyen-Age, achèvent de faire de Hugo le maître de ces deux domaines romantiques de la poésie pittoresque et de "l'école de l'art", que les Odes et Ballades et la Préface de Cromwell avait déjà fondée. L’appartement du poète, rue Notre-Dame-des-Champs, devient le siège du Cénacle romantique.
Mais au théâtre il ne s’était pas encore imposé, bien que la rénovation de la scène lui apparût comme la première tâche de la génération nouvelle. La Préface de Cromwell ne pouvant être joué ou réduit, il s’essaie avec Marion de Lorme. Charles X fait interdire la pièce pour atteinte à la majesté royale. Ce dernier offre en réparation un poste officiel que Hugo refuse ainsi qu’une troisième pension. Ainsi désolidarisé du régime, il ne se ralliera pourtant pas sans pondération à la révolution de 1830, avec le poème "A la jeune France".

Le 25 février 1830, la représentation, à la Comédie-française, de la pièce Hernani, qui était pour Hugo l'occasion de défendre lui-même sa propre formule du drame romantique, se déroula dans une atmosphère surchauffée par les polémiques entre les défenseurs de la tradition, les perruques académiques et les grisâtres classiques, et les tenants des nouvelles doctrines violemment parés et décoiffés, visibles, voyants, sonores avec en première ligne le gilet rouge de Gautier et la crinière de Dumas.
La vigueur provocante du style, la violence ou le comique des situations - le roi d'Espagne dans un placard -, la grandeur paradoxale des personnages, l'amour impossible, la présence permanente de la mort ravirent une jeunesse qui voyait dans l'œuvre non seulement le mépris libéral des rois - nuancé d'une pointe de bonapartisme -, mais l'étendard enfin brandi de la liberté dans l'art, et qui y reconnaissait ce mélange diffus d'espérance et de nostalgie qui précéda et suivit la révolution de 1830.
Cette soirée mouvementée, restée dans l'histoire littéraire sous le nom de "bataille d'Hernani", fit officiellement de Hugo le chef de file du romantisme français. Cette bataille, bien plus idéologique et littéraires que proprement littéraire, si elle se joue au niveau du public, prend peut être toute son acuité dans les démêlés de l'auteur avec ses comédiens. Succès de scandale, cette bataille s’achève sur un triomphe financier et la victoire de l’art nouveau.
Adèle donne naissance à une petite fille en 1830 que l'on baptise Adèle.

En juillet 1830, le peuple de Paris croit en avoir fini avec la répression rétrograde et les rois. Mais cette révolution piratée par la bourgeoisie n'aboutit qu'à changer la dynastie pour moderniser la monarchie. Amer, Hugo constate la faillite de son "ancienne conviction royaliste et catholique" et l'impuissance d'un peuple encore immature. Tout s'écroule, même l'unité familiale voulue avec acharnement. Adèle s'est éprise de l'ami de Victor, son frère d'élection : Sainte-Beuve, parrain de la petite Adèle. L'histoire familiale se répète ; Sainte-Beuve ravive les drames de jadis en reprenant, à son insu, le rôle de Lahorie, comme lui ami du père et parrain, avant d'être l'amant. De cette double crise, morale et personnelle, Hugo écrira son premier grand roman, Notre Dame de Paris (1831) ; dans la nuit médiévale se débattent en vain un peuple exclu de la parole, infirme et grimaçant, une jeune fille trop désirable pour ne pas en souffrir, un prêtre exclu de l'amour mais non de ses tortures déchirantes ; puis les feuilles d’automne (1831).
Le premier jour de la vente de ce roman : c'est le désastre. L'émeute quotidienne qui sévit à Paris à cette époque se change en une insurrection. Et de toute évidence les esprits sont ailleurs.
Mais les émeutes passent et il ne faut que quelques jours pour que l'intérêt du public se porte tout entier sur le roman de Hugo. On s'arrache les volumes
Après cet énorme succès, Victor, qui a changé de troupe et quitté la Comédie-Française, après Hernani, fait représenter une nouvelle fois Marion de Lorme (1831), libérée par le nouveau régime, dans un théâtre populaire et moins conformiste : la Porte-Saint-Martin. Mais les grands acteurs du mélodrame ne parviennent pas à arracher un vrai succès.
À trente ans, Hugo est un homme désenchanté. Les succès ne lui suffisent pas; il veut la gloire, les honneurs, le bonheur. Il installe alors sa famille 6 place royal (actuelle Maison Victor Hugo de la place des Vosges) et son salon rouge est vite un lieu chic.
Hugo, toujours parfaitement conscient des problèmes du théâtre, surtout après la révolution de 1830 et l’échec presque immédiat de ses espérances, s’efforce alors non seulement de trouver un public, mais de le créer à la fois bourgeois et populaire ; la formation de ce public serait une double tâche, littéraire et politique.
Pendant les émeutes contre le régime durant l’été 1832, et pour illustrer une nouvelle fois ses théories au théâtre, Hugo écrit donc presque simultanément deux pièces dramatiques pour tenter de conquérir à la fois "l’élite" à la Comédie-Française, composé d'artistes, d'intellectuels et de grands bourgeois, et le public populaire de la Porte-Saint-Martin. La première, Le roi s’amuse, sorte de tragédie en alexandrins, mais dont la structure et le personnages principal sont grotesque, essuie au Théâtre-Français un échec retentissant : interdite par le pouvoir dès le lendemain, elle est l'occasion d'un procès où Hugo défend les droits de la liberté dans l'art contre toute censure. Elle ne sera reprise que cinquante ans plus tard. La seconde, Lucrèce Borgia, inaugure la série de ces "grands mélodrames romantiques en prose" où Antonin Artaud voyait du vrai théâtre. Ce drame de l’amour incestueux et de la culpabilité fatale, dont le dernier acte est un chef-d’œuvre de construction poétique et de violence hallucinatoire, aura un succès immense sinon durable.
C'est à cette époque que, déjà fort occupé par une vie familiale et mondaine chargée, par le souci de publications multiples, Hugo trouve la force et l'audace, de découvrir un autre mode d'existence, la passion. C'est une comédienne ravissante, Juliette Drouet, qui va lui révéler les violents vertiges du plaisir. En effet; quelques semaines après la première de Lucrèce Borgia où joue sa nouvelle conquête, Victor connaît bibliquement Juliette dans la nuit du 16 au 17 février 1833. Cette date symbole sera reprise dans Les Misérables pour fixer la nuit de noce de Marius et Cosette. A la liaison surveillée, Hugo préfère l'amour illimité et risque sa réputation pour cette courtisane, dont il décide de racheter la "faute" et les énormes dettes. En retour, elle lui vouera, cinquante ans durant, une adoration courageuse, une énergique dévotion.
Il écrit ensuite un drame en prose, toujours joué à la Porte-Saint-Martin, Marie Tudor (1833), et qui est peut-être la meilleure pièce de Hugo ; mais ce drame historique plus âprement sévère, transposition de la révolution de 1830, dérouta les spectateurs par sa complexité. L'année suivante il écrit son Etude sur Mirabeau et publie Littérature et Philisophie mêlées et Claude Gueux.
Sur une brouille, Juliette quitte Paris après avoir tenté de se suicider ; Hugo la rejoint et voyagent ensemble en Bretagne et dans le pays de Loire, son pays d'enfance à elle.
A partir de cette période, Hugo prend l'habitude de voyager un mois durant l'été, en compagnie de Juliette. Les nombreux dessins qu'il en rapportera - eux-mêmes infime partie d'une surprenante et abondante œuvre graphique allant de la caricature au véritable tableau - ne témoignent pas seuls de son goût du croquis sur le vif et de l'observation. Publiées après sa mort ; les lettres de voyages - France et Belgique, Alpes et Pyrénées - ou de simples notes montrent un autre Hugo : attentif, exact, rapide, gai. Ce que l’on retient surtout d’eux, c’est le tour de force de leur technique, celle d’un autodidacte qui improvisait sa matière - lavis brossés au tampon de papier, mixtures de sépia, de fusain, de marc de café, ou de café au lait, de suie - et qui dégradait ses outils, plumes faussées, allumettes brûlées. Ce talent illustre le métier de journaliste, et il demeure étonnant qu'après le Conservateur et La Muse française Hugo n'ait plus jamais écrit pour la presse alors même qu'il inspira deux organes tenu par ses fils et ses proches.

En 1835, Hugo tente à nouveau sa chance au Théâtre-Français avec Angelo, tyran de Padoue, œuvre de compromis d'où il se voit contraint d'éliminer presque totalement le grotesque et l'histoire, merveilleusement joué, mais ne rencontrera pas trop de résistances.
Alors qu'Adèle continue ses rendez-vous avec Sainte-Beuve, Victor rompt définitivement son amitié avec celui-ci. Hugo est nommé membre du Comité des monuments inédits à sa création. Plusieurs articles dont Guerres aux démolisseurs, en 1832, l'avaient désigné à cette fonction, où il emploie et complète une grande compétence en matière d'architecture. Il publie Chants du crépuscule.
Hugo envisage sa candidature à l'Académie Française. mais le 18 février 1836 l'Académie lui préfère Dupaty. Rien ne déroute jamais Hugo dès lors qu'il a choisi un chemin. Il veut être de l'Académie. Il renonce pourtant à se présenter à l'élection du 28 avril, assuré que nul ne peut s'opposer à Guizot. De fait l'homme d'état est élu triomphalement.
On fait représenter en novembre, un opéra que Louise Bertin à composé d'après Notre dame de Paris et qu'elle a intitulé La Esméralda. Hugo en a composé le livret par amitié. Il n'assista pas aux répétitions, ceci pour une raison fort simple il fait son voyage annuel avec Juliette, en Normandie. Cet opéra sera un retentissant échec. Pendant ce temps entre Adèle et Sainte-Beuve, il s'est passé quelque chose qui va modifier leurs rapports. Adèle s'éloigne de son amant.
Hugo se présente, à nouveau à l'Académie le 29 décembre, au fauteuil de Raynouard, il est une nouvelle fois refusé au profit de l'historien Mignet.
Pour l'inauguration du théâtre de le Renaissance (nov. 1838), Victor avec Alexandre Dumas et grâce à l’amitié du duc d’Orléans qu'il côtoie afin de convertir sa célébrité en autorité morale, il écrit la plus célèbre sinon la meilleure de ses pièces, Ruy Blas , dont le mérite est à la fois de poser les problèmes politiques de l’agonie d’une monarchie, et de remettre à la scène un vigoureux personnage grotesque, César de Bazan. Et surtout il met en lumière l'impossibilité pour l'artiste - l'intellectuel ou l'homme du peuple - de l'emporter face à la coalition des privilégiés. Ruy Blas est la mise en accusation de toute utopie politico-sociale. Mais le théâtre de la Renaissance, récupéré par le vaudeville, cesse bientôt de pouvoir abriter le drame. Il tente d’écrire Les Jumeaux (1839) qu’il laisse inachevés.

Victor publie les Voix intérieurs, Les rayons et les ombres, obtient de louis-Philippe la grâce d'Armand Barbès, signe son premier contrat, à la société Duriez, pour la publication des œuvres complètes qui porte sur une somme équivalent à une somme de 5 millions de nos francs.
1841, Hugo est enfin élue à l'Académie Française. Il voyage dans la vallée du Rhin, et en rapporte un admirable journal de route : Le Rhin. Le fleuve est son image métaphorique ; il charrue avec la plus grande liberté tout ce que véhicule l'imaginaire de Hugo : visions "touristiques", rêves architecturaux, souvenirs d'enfance, expansions du discours au gré des rencontres - les jeunes filles devant la statue du chevalier décapités, le bouffon de Heidelberg - , jusqu'à ce conte du "Beau Pécopin" - préfiguration de Peer Gynt -, dont les errances séculaires montrent le néant de la course ambitieuse du moi. Et l'utopie y trouve sa place politique, qui effaçant les querelles nées de la Sainte-alliance, fait du grand fleuve le médiateur des sœurs ennemies, Allemagne et France, le médium de l'Europe de demain. C'est un livre du "Je" où le narrateur est témoin de soi et du monde à la fois.
Cette dure et féconde période qui a permis à Hugo de conquérir le premier rang s'achève sur un échec littéraire et sur un malheur.
Après trois ans de silence, il revient à la scène avec une formule toute nouvelle, sa grande trilogie épique des Burgraves (1843), nommée "trilogie" non parce qu’elle est divisée en trois parties, mais parce que la dimension temporelle unit étroitement au conflit présent la tragédie passée et la rédemption future. Le mal individuel et le mal historique – symbolisés comme souvent chez Hugo par le fratricide – trouvent leur rachat dans la résurrection de l’empereur Barberousse. Perspective historique et perspective individuelle et familiale se rejoignent dans un drame dont le gigantisme statique et les "invraisemblances" barbares rebutèrent un public passablement superficiel. L’échec des Burgraves, au théâtre-français, marque le premier signe de la décadence du théâtre romantique. Hugo n’a plus envie ou plus besoin de croiser le fer avec des interprètes qui le refusent, avec un public qui ne répond pas. La verve dramatique cherche ailleurs son exutoire. Découragé, Hugo renonce au théâtre.
Par ailleurs, il vit comme une dépossession "le bonheur désolant de marier sa fille", aussi passionnément père de Léopoldine que le sera son héros Jean Valjean de Cosette, mais se soumet avec accablement à cet arrachement. Le 9 septembre 1843, revenant de Cauterets, où Adèle et Victor ont passé deux semaines pour soigner la gorge de Victor, il apprend par les journaux, dans un café de Rochefort, la mort de se fille Léopoldine et de son mari, noyés dans la Seine à Villequier le 4 septembre.
Hugo, brisé se tait et cesse de publier. Dépressif, il se jette alors dans une passion éblouie et suicidaire pour une très jeune femme, Léonie Biard, qu'il avait rencontré un an plus tôt chez le roi Louis-Philippe. Le 13 avril 1845 Louis-Philippe signe le décret nommant Hugo Pair de France. Il semble qu'à la suite de cette nomination il ait cherché dans l'activité politique une diversion à son malheur. Mais le 2 juillet, Auguste Biard, artiste peintre, fait constater le délit d'adultère de sa femme avec Victor. Elle est enfermée deux mois à la prison de Saint-Lazare et six mois au couvent des augustines. Biard retire sa plainte sur intervention du roi et, moyennant commande, ce qui évite à Hugo une condamnation pour complicité, divorce, laissant Léonie et ses enfants à la charge de Victor Hugo. Malgré l'immunité parlementaire, Victor est la vedette de ce scandale ridicule, au grand ravissement de ses rivaux, qui, après avoir vu en lui un écrivain "honoraire", le considèrent comme un homme fini.
Peut être fallait-il ce double choc : la douleur paternelle et la réprobation sociale, pour qu'il entreprenne - sans rien dire à personne, sauf à Juliette - une œuvre aussi profondément non conformiste qu'est Les Misères, première version des Misérables.

En juin 1846, Juliette perd son unique fille Claire morte à vingt ans de tuberculose. Cette mort ranime l'amour pour Juliette et rouvre la source des larmes.
Coup sur coup, pendant le second trimestre 1846, Hugo écrit la série des célèbres poèmes sur la mort de sa fille Léopoldine qui figurent dans Les Contemplations sous le titre Pauca meae, et dont le plus illustre est A Villequier.
Il continue la même singulière existence : interventions politiques ; mondanités et entretiens avec le roi ; vie familiale paisible avec Adèle ; demi-éloignement douloureux avec Juliette ; amour avec Léonie ; rencontre diverses dont Alice Ozy, auprès de qui son fils est son rival.
Mais les événements politiques vont lui réserver d'autres tourments encore. Le 23 février 1848, le Gouvernement Provisoire abolit la pairie, la chambre est dissoute et le roi abdique. Le lendemain Hugo est hué lorsqu'il tente, place de la bastille, de proclamer la régence, mais est nommé maire du VIII par le gouvernement provisoire de Lamartine qui prône la république. Aux élections Hugo obtient 59 446 voix, mais n'est pas élu car Lamartine, premier élu, réunit 259 800 suffrages. Ce dernier lui offre le poste ainsi que celui du ministère de l'instruction publique, mais il refuse.

Le 4 juin, aux élections complémentaires de Paris Victor est difficilement élu sur une liste de droite, et, après avoir contribué à l'écrasement de l'insurrection, il cherche à adoucir la répression judiciaire par la prononciation de son premier discours à l'Assemblée (sur les Ateliers Nationaux). Il fonde un journal, l'Evénement, dirigé par ses fils, qui soutient la candidature de Louis-Napoléon à la présidence de la république.
Elu député à l'Assemblée législative en 1849, et tandis que la république, sous la présidence de Louis Napoléon, glisse vers une réaction de plus en plus cléricale et policière, Hugo rompt avec le parti de l'ordre par son discours sur la misère à l'occasion d'une proposition d'enquête, puis par son discours sur les affaires de Rome, enfin sur la loi Falloux (enseignement remis sous le contrôle de l'église) où il défend la liberté de l'enseignement.

L'année suivante, les interventions de Hugo le rangent définitivement à la gauche de l'Assemblée : contre la peine de déportation, contre la restriction apportée au suffrage universel, pour la liberté de la presse. La vente de l'Evénement est alors interdite sur la voie publique.
Hugo prononce l'éloge funèbre de Balzac sur la tombe de celui-ci au cimetière du Père-Lachaise.

Le 17 juillet, 1851 il prononce, à l'assemblée, un violent réquisitoire contre la révision de la constitution demandée par louis Napoléon : "Napoléon-le-Petit". Charles et François-Victor Hugo, Paul Meurice et Auguste Vacquerie sont condamnés pour délit de presse et incarcérés. L'envoi par Léonie de lettres reçues de Victor Hugo apprend à Juliette ce qu'elle ignorait depuis sept ans et la met au désespoir, sans toutefois la faire renoncer.

Début décembre, échappant à la police, Hugo tente, au sein du comité nommé par la Montagne, de susciter la résistance au coup d'état : affiches, harangues, réunions, contacts avec les associations ouvrières, implantations et défense des barricades. Lorsque le succès du coup d'état est devenu patent, il quitte Paris muni d'un faux passeport, au nom de Lanvin et prend le train pour Bruxelles. Sans délai, Juliette, qui avait veillé à sa sécurité et était elle-même recherchée, le rejoint en Belgique. Quelques jours plus tard, Louis Bonaparte signe le décret d'expulsion de Victor Hugo. L'exil durera vingt ans.
Léonie qui n'a pas compris que Juliette avait tué ses illusions lors de la fuite du 2 décembre, veut rejoindre Victor à Bruxelles. Cela Hugo ne le veut pas. Quoi qu'il puisse lui en coûter, il a pris sa décision et entend s'y tenir. A tout prix, il faut empêcher Léonie de quitter Paris. Ici le drame se change en vaudeville. Sans apparemment montrer de gène, c'est sa propre femme que Victor va charger de décourager la maîtresse éconduite ! Le plus surprenant est qu'Adèle ne semble pas s'être étonnée de la curieuse mission qui lui a été confiée.
Pendant ce temps, à Paris son mobilier parisien est vendu aux enchères, bazardant ainsi toute sa réussite passée. Hugo exulte : "J'aime la proscription, j'aime l'exil." Le voici libre d'exercer, dans une patrie qui a désormais la dimension de l'humanité, son "droit à la parole" et d'être pleinement le député d'une république idéale.
Il commence Histoire d'un crime (1852) mais l'interrompt pour la parution de Napoléon-le-Petit à Bruxelles le jour où devançant son expulsion de Belgique, il se réfugie à Jersey dans la maison de Marine-Terrace. Hugo est bientôt rejoint par Adèle et ses fils. 1853 Mme de Girardin (Delphine Gay) initie alors le cercle Hugo aux tables mouvantes (Léopoldine parle), mais ils y renonceront après la crise de folie d'un des participants.

Hugo prépare à partir de 1854, la fin de Satan - œuvre qui s'ouvre par la chute de l'archange révolté, se poursuit dans la fatalité, sous la forme de la guerre (Nemrod en route vers Dieu). Attelés à son radeau de l'éther, quatre aigles l'emportent, appâtés par des viandes que maintiennent au dessus d'eux des perches, elles-mêmes fixées au radeau, du gibet (la crucifixion de Jésus), de la prison (la Bastille) ; Lilith-Isis, fille de Satan déesse de l'ombre, préside à cette histoire, jusqu'au jour où, le 14 juillet 1789, l'autre fille de Satan l'ange Liberté, né d'une plume de l'archange Lucifer et du regard de Dieu, la dissout dans sa lumière ; l'histoire tend alors vers son achèvement, par la réconciliation de Satan avec Dieu - puis Châtiments fruit du premier hiver d'exil auquel il consacre à Napoléon, toute une série de vers aussi indignés que véhéments. L'ouvrage circule aussitôt en contrebande en France.
Le recueil des Châtiments se compose de 6 200 vers, organisés en sept parties. Chacune de ces parties a pour titre une des formules qu'avait utilisées Napoléon III pour justifier son coup d'état. Le recueil s'ouvre sur un poème Nox (nuit) auquel répond un autre poème, Lux (lumière, jour) : le premier fait allusion aux ténèbres qui enveloppent le temps présent (le règne de Napoléon III), le second confirme l'espérance d'un avenir meilleur.
Des événements politiques vont une nouvelle fois venir perturber la famille Hugo. En effet, la protestation d'une quarantaine de proscrit à Jersey - dont Hugo - contre l'expulsion de trois des leurs à la suite de la publication d'un article condamnant le voyage de la reine Victoria à Paris, leur vaut leur propre expulsion. Victor Hugo et sa femme s'installent à Guernesey fin 1855.
Une fois les Châtiments publiés, Hugo se lance, avec sa poésie, à l'assaut de tous les domaines de la connaissance : connaissance de la nature, du moi et de l'univers. Ses vingt années d'exil et de labeur solitaire sont la période la plus féconde et la plus haute de son génie, et lui-même en a le sentiment : "Ma proscription est bonne, et j'en remercie la destinée."

Les revenus des Contemplations permettent à Victor d'acheter en 1856 Hauteville-House dont le génie bricoleur en fera une œuvre "autographe" : carreaux bleutés, vieux bois luisants, miroirs, devises latines, lustres maison, "rouge Hugo" impriment bientôt à cette demeure une féodale chinoiserie inimitable. Victor travaille d'arrache-pied ; levé dès six heures du matin, il travaille toute la journée dans une pièce vitrée qui a vue sur les côtes de France. Sa femme et ses enfants sont auprès de lui, mais feront sur le continent des séjours de plus en plus prolongés. Juliette s'est installée non loin de lui, d'où ils peuvent se voir, et ne le quittera pas un instant. Désormais, les règles d'un rite qui durera autant que l'exil se sont trouvées fixées. Après déjeuner, chaque fois qu'il fait beau, Juliette attend. Il sonne à sa porte, lui offre son bras et ils s'en vont, par le sentier de bord de mer, jusqu'à une crique sauvage : Fermain-Bay. A Hauteville House, Adèle veut ignorer Juliette toujours. Officiellement. Les demeures sont si proches que s'est instaurée une sorte de vie commune. Juliette y met plus que du sien. Elle se sait détesté par l'autre et pourtant "on dirait maintenant qu'elle tend l'autre joue.
Dieu et la fin de Satan sont en voie d'achèvement, mais en 1857 l'éditeur Hetzel pousse l'écrivain à terminer Les Misérables et à entreprendre un recueil de poèmes narratifs inspirés par l'histoire universelle les petites épopées qui deviendront la Légende des siècles dont la première série paraîtra en 1859.

A la fin de la même année, la tension devient si grande entre Adèle et Victor, Hugo persistant à refuser à Adèle les fonds nécessaires à un voyage sur le continent, celle-ci ira jusqu'à écrire secrètement à Emile de Girardin pour solliciter de lui un prêt afin de se rendre à Paris.
Après quatre mois d'absence, les deux Adèle rentre à Hauteville. Retour providentiel. Le 19 juin 1858, Hugo fait une première lecture de son poème la pitié suprême. Au milieu de la lecture, une vive douleur au larynx l'arrête ; il souffre d'un grave anthrax qui, en juillet, met sa vie en péril. Il suspend alors tout travail et ne sort, pour la première fois, très affaibli que le 4 août pour rendre visite à Juliette. C'est à la suite de cette grave infection qu'Hugo se laissera pousser la barbe pour se protéger la gorge en 1861.

Le 15 septembre, il recommence à prendre des notes sur son Carnet. Comment, après avoir traversé tant d'inquiétudes, cette famille en vient-elle, quelques jours après à s'affronter, à échanger des vérités qui, si elles ne tuent pas ouvrent des blessures souvent inguérissables ? Une chape de tristesse s'est abattue sur Hauteville-House.

En mai 1859, les deux Adèle partent pour Londres accompagnées cette fois de Charles. Mais ce dernier s'ennuie et il en revient pour visiter l'île de Serk, avec son père et Juliette, dont il fait la connaissance. Charles consent à tout, mais Juliette tremble. la Légende des siècles, dans le Paris qui retentit des victoires de Solférino et de Magenta, a frappé comme une canonnade triomphale. Flaubert l'acclame et un jeune poète éperdu lui envoie ses premiers vers. Il s'appelle Paul Verlaine.
Après Solférino, Napoléon III décrète le 15 août l'amnistie aux proscrits républicains. Victor Hugo refuse et lance : "Quand la liberté rentrera, je rentrerai.". Arc-bouté au sein de son look-out, il sent l'exil grandir son horizon. Il devient l'avocat tonnant de Jhon Brown (Américain blanc pendu pour avoir pris la défense, armée, des esclaves noir à Charlestown) ; Hugo ne parvient pas à obtenir sa grâce et il est pendu. Ce combat d'un homme seul appelant, de son rocher, à la sauvegarde d'un juste a bouleversé l'opinion. Le proscrit de Guernesey jouit alors d'un prestige mondial. C'est l'époque la plus haute de la vie et de l'œuvre.

Toute l'année 1860 Hugo travaille à son roman des Misérables dont il reprend la rédaction proprement dite en août après avoir abandonné la "Préface Philosophique."
Il ne se donnera plus un instant de répit jusqu'au moment où Marius, sauvé par Jean Valjean de la barricade, reprend vie chez son grand-père. Là seulement il repose sa plume. Il sait qu'il ne lui reste que peu de jours pour traiter du mariage de Cosette et de la mort de Jean Valjean. Depuis le début de la rédaction de ce roman, la bataille de Waterloo le hante. Il en a fait l'épicentre du roman, le point de départ de ses principaux personnages. Hugo veut donc donner à l'épisode une dimension sans égale. Il est pénétré d'une certitude : cette bataille perdue a changé le destin du siècle.

Un soir de mars 1861, il annonce donc à Juliette qu'il part pour Waterloo - et qu'il l'emmène. Son port d'attache sera Mont Saint-Jean. Les deux Adèle ont rejoint Charles qui lui est resté à Bruxelles. Enfin le jour vient où il écrit le 30 juin 1861 : "j'ai fini Les Misérables." L'édifice est debout, il y a encore çà et là quelque partie ou quelque architrave à sculpter qui lui pendront encore onze bons mois. Cependant qu'il peaufine les derniers passages, il négocie l'édition des Misérables. Le contrat est signé le 4 octobre 1861, avec l'éditeur Lacroix, pour douze ans d'exploitation et 300 000 francs (6 à 10 millions de nos francs).

Travaillé depuis 1845 (les premières recherches datant de 1840), à l'image des grands romans sociaux de Balzac ou de Sue, Les Misérables sont publiés en 1862 et accueilli avec réserve par la critique mais avec un enthousiasme délirant par le public, un triomphe tel qu'on en a jamais vu de semblable, tant en Europe qu'aux États-Unis. Hugo confiant d'ailleurs à son éditeur, avant même d'avoir achevé la relecture des Misérables : "Ma conviction est que ce livre sera un des principaux sommets, sinon le principal, de mon œuvre". Les Misérables met en scène l'histoire et le progrès du peuple en marche ; malgré cette dimension épique, les personnages principaux — leurs expériences, leur souffrance, etc. — sont nettement individualisés. Fantine, Jean Valjean, Cosette, Marius, Gavroche restent en effet dans leurs destins particuliers (quoique représentatifs de toute leur classe) les enjeux essentiels du récit. Ces personnages sont entrés dans le Panthéon de l'esprit humain. Nous aimons Valjean autant que nous le respectons. Il est devenu l'un de nos familiers. Surtout il vit. Comme vivent Thénardier, Javert, Gavroche, Marius et Cosette. Nul après avoir lu Les Misérables ne peut oublier Mgr Myriel. De par leur démesure elle même - spécifiquement hugolienne - ils ont pris valeur de personnages universels. Le chef d'œuvre de Victor Hugo deviendra l'une des œuvres les plus traduites et les plus lues dans le monde.
Il semble alors que plus rien ne puisse atteindre Victor Hugo. Pas même l'aventure navrante de sa seconde fille. Adèle rencontre le lieutenant Pinson, se croît fiancée ; son père le reçoit et consent à un mariage qui semble n'avoir eu de réalité que dans l'imagination malade de la jeune fille. Aventure dont Y. Gohin a montré les échos dans les Travailleurs de la mer et qui a inspiré le film de François Truffaut Adèle H.

En automne, il prend des notes pour son futur roman Quatrevingt-treize, écrit sur la révolution montrant avant tout l'échec de l'homme à réformer une société injuste et inégale. Il voyage en Belgique, au Luxembourg et en Rhénanie avec Juliette, Charles et Paul Meurice.
Depuis de long mois, sa femme Adèle a entrepris d'écrire un livre sur la vie de Victor Hugo. Le résultat, après cinq années d'un travail maintes fois interrompu, est la publication en 1863 de Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie. Mais ce livre avant d'être édité sera entièrement réécrit par Auguste Vacquerie, l'un des plus fidèles parmi les disciples de Hugo, préoccupé plus que Hugo lui-même de l'image du poète qu'il fallait imposer à la postérité. Adèle a tenu à surveiller, elle-même, à Paris, la sortie de son livre. Réflexe d'auteur néophyte, excellent alibi aussi pour une femme qui saisit désormais tous les prétexte de s'évader de l'île étouffante. De toutes parts, Adèle reçoit des éloges qu'elle accueille avec bonheur.
Mais soudain c'est le drame. Le 18 juin, Adèle, sa fille, qui feint d'aller retrouver sa mère à Paris, s'enfuit rejoindre le lieutenant Pinson - Londres, Halifax, New-York, plus tard La Barbade fait croire à son mariage, que son père annonce, puis dément. Elle sera reconduite à Paris en 1872 et, folle, internée.
De cette douloureuse affaire, Hugo est sorti accablé. Comment n'aurait-il pas pensé à Eugène ? Il voit chaque année sa femme quitter l'île pendant de long mois. Charles cherche toutes les occasions de fuir. Et Vacquerie, gêné, a lui-même annoncé qu'il regagnait Paris.
Hugo écrit William Shakespeare, long essai qui devait primitivement servir de préface à la traduction de Shakespeare entreprise par François-Victor, où le poète expose très librement sa théorie du génie, et les textes qui l'entourent. L'ouvrage qui paraît en avril 1864 est mal accueilli.
Durant l'été 1864, Victor effectue un nouveau voyage en Belgique et en Rhénanie avec Juliette, ses fils qui ont "adopté" Juliette et des amis. Pendant ce temps, Adèle son épouse, revient à Guernesey après seize mois d'absence et Juliette a déménagé dans le centre de Guernesey à cause de son état de santé. Le couronnement de tout, l'apothéose surviendra le 22 décembre 1864. En effet Adèle adresse une lettre à Juliette pour l'inviter au repas de Noël ; cette dernière décline l'invitation.
L'année suivante, la fiancée de François-Victor, Emily de Putron, décède. Hugo et Adèle s'inquiètent : il ne faut pas laisser leur fils assister à l'enterrement. Dieu sait quel excès pourrait l'entraîner sa douleur. Adèle quitte l'île avec un fils à bout de souffrance, brisé.
Comme s'il s'appliquait lui-même à dérouter ses détracteurs, Hugo va en 1865, revenir à la poésie et publier Chansons des rues et des bois qui sont une grande réussite de librairie.
Un grand roman suivra, confirmant cette maîtrise que rien ne peut abattre les Travailleurs de la mer, - histoire qui se présente comme le récit de la conquête de la nature par l'homme puisque les deux personnages principaux; Lethierry et Gilliatt, mus par leur idéal, y affrontent héroïquement la violence des tempêtes et de la faune marine - dont le projet remontait au voyage à Serk.
Mais ce triomphateur était un homme abandonné par les siens. Charles partage son temps entre Paris et Bruxelles. Sa grande idée du moment : le mariage. Charles rencontre l'oiseau rare en la personne d'Alice Lehaene. Ils se marient le 17 octobre 1865 et vont vivre à Bruxelles. C'est également au même endroit qu'Adèle et François-Victor se sont installés.
Hugo revient au théâtre et invente des pièces d'une modernité incomprise dont Mille francs de récompense, attaque allègre des valeurs bourgeoises à l'abri des coffres-forts, et l'Intervention (1866).
Revenue à Guernesey début 1867, Adèle choisit alors elle-même de mettre fin au combat qui l'oppose à Juliette. Elle lui fait une visite, bientôt rendus de remerciement. Après quoi, Adèle repartira pour ne plus revenir à Guernesey. En mars 1867, grande joie pour Hugo. Une dépêche de Bruxelles lui annonce la naissance de premier-né d'Alice et de Charles qui se prénomme Georges. Hugo qui a tant aimé ses enfants se sent un cœur tout à coup disponible pour d'autres élans.

L'année 1867 marque l'apogée du second empire. L'exposition universelle attire à Paris tous les souverains. Hugo signe l'introduction de Paris-Guide, ouvrage collectif édité à l'occasion de l'exposition. Ruy Blas est interdit par le gouvernement impérial alors que se poursuit le succès de la première reprise d'Hernani.
L'hiver revenu, Hugo se met à un nouveau roman l'Homme qui rit - conte qui retrace les épreuves de Gwymplaine, fils d'un noble proscrit à cause de ses opinions républicaines dans l'Angleterre.
Deux décès vont entacher l'année 1868. Tout d'abord, le fils de Charles qui décède d'une méningite. Consolation, Alice est enceinte de cinq mois. Ce sera la naissance d'un deuxième petit-fils qui s'appellera également Georges. Adèle rejoint son mari en vacances à Bruxelles et y meurt le 25 août d'une attaque qui l'avait frappée quelques jours plus tôt. Hugo accompagnera jusqu'à la frontière le corps de sa femme, qui sera enterrée à Villequier à côté de Léopoldine et Charles.
Hugo s'est remis de nouveau à son roman l'Homme qui rit. Mais à la publication c'est un échec, le public boude. Va -t-il poser sa plume ? Point du tout. Il se remet à écrire une pièce sur ce thème de l'inquisition qui lui va si bien : Torquemada. Pour ce délasser de ce dialogue véhément, il écrit en même temps d'allègres comédies destinées à prendre place dans son Théâtre en Liberté.
Nonobstant les réserves et le scepticisme du père, Charles, François-Victor, Meurice, Vacquerie et Rochefort fondent le rappel, qui, à travers saisies et interdictions, participe à l'offensive républicaine.
En 1869, Victor voyage à Lausanne, par Strasbourg et Bâle, pour présider le Congrès de la paix avec Juliette, François et des amis. Lorsqu'ils regagnent Bruxelles ils apprennent la naissance, le 30 septembre, de sa petite fille Jeanne. Le 6 novembre il est de retour à Guernesey et début 1870 commence à écrire les Quatre vents de l'esprit.

Pendant ce temps, Napoléon III a tenu à soumettre à un plébiscite les réformes libérales qui ont modifié l'orientation politique de l'Empire. Hugo n'hésite pas. Le 27 avril 1870, le Rappel publie un texte de lui, appelant à voter NON. Du coup le journal est une nouvelle fois poursuivi.
Au début de juin, voici dans cette île Charles et Alice, avec Georges et Jeanne. Il y a neuf ans que Charles n'est pas revenu à Hauteville-House. Cela achève de reformer la famille.
Tandis que la guerre se prépare contre la Prusse, Hugo plante le gland du "Chêne des Etats-Unis d'Europe". Les ambitions Napoléonienne vont vite se changer en désillusions. Tout se précipite. On annonce les premières défaites françaises. De Bruxelles, où il a attendu les événements, Hugo rentre à Paris, le 5 septembre 1870, le lendemain de la proclamation de la République suite au désastre de Sedan contre la Prusse ; l'accueil est indescriptible. De diverses manières Hugo, désormais "chose publique", participe à l'effort de guerre : lectures publiques des Châtiments dont les recettes payent des canons, présence aux remparts, publication des appels Aux Allemands, aux Français et aux Parisiens, visites les blessés.
Bismarck ne veut signer la paix qu'avec un gouvernement légitime. Le 13 février 1871 Victor Hugo part avec les siens pour Bordeaux, où va se réunir l'Assemblée Nationale. Il est élu grâce à ses vastes projets politiques : abolition de la peine de mort, réforme de la magistrature, défense des droits de la femme, instruction obligatoire gratuite. Mais il ne parvient pas à unir la gauche - républicains et radicaux -, déjà très minoritaire, et démissionne lors de l'invalidation de l'élection de Garibaldi, seul général de l'armée française à s'être bien battu.
Il décide de quitter Bordeaux, le 13 mars, pour Arcachon. Il a donné rendez-vous à Charles pour dîner au restaurant Lanta. Mais lorsque Charles se rend au restaurant, il meurt, frappé d'apoplexie foudroyante. Hugo a décidé que son fils serait inhumé au Père-Lachaise dans ce tombeau où l'on précédé le général Hugo, Sophie, et Eugène. A l'enterrement de son fils, Paris, au tout début de son insurrection, lui manifeste une profonde sympathie. Il met pourtant en garde les insurgés, qui lui semble partir "d'un droit pour aboutir à un crime", et quitte Paris pour Bruxelles, où il règle la succession de Charles.

A la fin de la Semaine sanglante, Le rappel est suspendu. Hugo y avait publié trois poèmes dont l'équilibre, dans la fureur anti-populaire générale, penchait en faveur des communards. Malgré l'intention affiché du gouvernement belge de fermer la frontière aux insurgés en fuite, Hugo leur offre publiquement l'asile de sa maison. Elle est attaquée à coup de pierre par une bande de jeunes bien-pensants, et lui-même est expulsé. Il se réfugie au Luxembourg où il compose l'Année terrible pour témoigner des événements de la Commune, et a une liaison avec Marie Garreau.
Il rentre en France à la fin de l'année 1871 pour obtenir une commutation de la peine de déportation à laquelle notamment Rochefort et Louise Michel avaient été condamné. Ses interventions en faveur des condamnés de la Commune se poursuivront jusqu'à l'amnistie.
Victor se présente aux élections complémentaires de Paris mais est largement battu. Il ne sollicitera plus jamais un mandat de suffrage universel.
Le 19 février l'Odéon reprend Ruy-Blas et c'est un succès. Sarah Bernhardt, enfant gâtée à la taille souple et féline, est acclamée.
Ce succès en février le frappe. Il est né le 26 février 1802, Hernani a été représenté le 18 février 1830; Notre-Dame de Paris publié le 26 février 1831 ; Lucrèce Borgia joué le 16 février 1833. Le même mois Juliette et lui sont devenus amants. Il note : en février 1843, ma douce Léopoldine s'est mariée. En février 1872, ma pauvre Adèle est revenue près de nous. En effet, sa fille est ramenée de la Barbade et internée à Saint-Mandé où elle mourra en 1915.
Malgré tant de beauté, l'Année terrible est accueillie avec indifférence. La presse conservatrice l'accable toujours de ses sarcasmes. Soudain, il se décide. Il fuit Paris, ses tentations et ses échec, et pour achever son œuvre avec Quatrevingt-treize, il rentre volontairement en exil à Guernesey en compagnie de Juliette et Blanche Lanvin, une enfant au service de Juliette.
Hugo, avec une fougue de jeune homme tente de séduire Blanche. Il y parvient six mois plus tard le 1er avril 1873. Blanche se donne à cet homme qui a près de cinquante ans de plus qu'elle. Tout à coup, le scandale éclate ; la pauvre Juliette, cloué par l'arthrite et de douloureux malaises cardiaques, découvre l'aventure. Cris, larmes, colère. Elle exige alors d'Hugo que Blanche parte. Ce qui est fait quelques jours plus tard. Or Hugo a concerté avec Blanche un plan incroyable. Le départ ne sera que simulé. Elle doit revenir dans l'île secrètement où Victor lui a loué un logement. Mais dans une si petite ville où chacun se connaît, grand est le danger. C'est pourquoi Blanche ne restera pas longtemps.
Comment Hugo pourrait-il vivre sans elle ? Il n'ose même pas y penser. C'est dit : lui aussi quittera l'île pour la rejoindre. A vrai dire alors qu'il vient d'achever Quatrevingt-treize, aucune raison impérieuse ne le retient à Guernesey.

Le 30 juillet il quitte Guernesey pour Paris. Il loue une villa tout près de chez François-Victor et de ses petits-enfants. Le changement qui s'est produit chez son fils frappe tous ceux qui le voient. A vrai dire les médecins ont diagnostiqué une tuberculose rénale. Victor retrouve Blanche. Le corps de sa jeune amie lui est devenu indispensable. Son fils se meurt ? Il court chez Blanche. Avec elle, il assouvit ses avidités de nu. Chaque jour, il assiste au répétitions de Marie Tudor à la Porte-Saint-Martin et court ensuite chez Blanche.

Le 19 septembre 1873 alors que Blanche est malade, il rentre chez lui et découvre une lettre posée là, en évidence. Juliette a tout appris. Bien pis ; elle est partie. Il sombre, le vieil homme. Il raffole du corps juvénile de Blanche. Mais il sait que sans Juliette, c'est sa propre existence qui est remise en question. Juliette revient. Elle est pleinement rassurée. Elle a exigé de son vieil amant qu'il jure, sur la tête de François-Victor de ne jamais revoir la rivale. Et Hugo a juré ! Il a juré et deux jours plus tard il revoit Blanche. Après tant de souffrance, entre la paix de la mort, François-Victor décède à Noël. Seule lui reste sa fille , morte vivante.
Deux jours plus tard en pleine nuit il se réveille. Il comprend alors qu'un vers s'est imposé à lui pendant son sommeil et qu'il lui faut s'en délivrer en l'écrivant dans l'instant. Il note :"Et maintenant à quoi suis-je bon ? A mourir."
La publication de Quatrevingt-treize lui apporte aussitôt le plus sûr des démentis. Beaucoup de lecteurs vont s'émerveiller de trouver intacte la puissance d'évocation de l'écrivain, l'admirable richesse de style, son art de ressusciter les hommes et les lieux.
A soixante dix ans passés, une dernière vie commence car Hugo n'est plus le père tyrannique de personne. Il se découvre "aïeul sans frein", grand-père jusqu'à l'anarchie. Pour Georges et Jeanne, il est "papapa" ; pour Juliette, qui le sait facilement amoureux, une "horrible canaille" ; pour les habitués de son salon, les Goncourt, Gambetta, Flaubert, il est "l'immense vieux", impossible et indispensable.
Les deux années suivante il continue à écrire, mais le rythme diminue. Deux publication "seulement" : Mes fils et Actes et Paroles ; et un discours sur la tombe d'Edgar Quinet le 9 mars 1875.

Elu Sénateur de la Seine - Union Républicaine (extrême gauche) - en 1876, au suffrage indirect, Victor poursuit son action en faveur de l'amnistie des communards. Mais son projet, dont Gambetta s'est désolidarisé, n'est pas adopté.

1877. Une nouvelle série de la Légende des siècles paraît, prolongeant d'admirable façon les précédentes. Une génération qui se croit acquise au scepticisme vibre à la lecture de ces grands vers. L'édition entière est enlevé en une seule journée.
Au Sénat, Hugo se prononce avec énergie contre la dissolution. Pourtant la dissolution par Mac-Mahon est votée à une faible majorité. Pour Hugo un nouveau combat commence ; il faut remplacer la Chambre dissoute. Il est impératif qu'une majorité d'opposants à Mac-Mahon s'y retrouve. Cela lui donne l'occasion de publier l'Histoire d'un crime. L'impression produite est si grande que le président du Sénat informe Hugo que le gouvernement médite des poursuite contre ce livre. Hugo note simplement : "Quant à moi, j'accepte le combat."
Aux élections, les républicains obtiennent une énorme majorité. La démission de Mac-Mahon consacre plus un échec à la sottise qu'à la Tyranie.
Les Français n'oublieront pas ce nouveau combat de Hugo. Son ultime image vient d'acquérir sa pérennité. Jusqu'à son dernier jour, avec sa brosse de cheveux blancs et sa barbe blanche de docteur en sagesse, il restera le patriarche de la République.
Qui plus est, cette année-là il publie, l'Art d'être grand-père ; poèmes inspirés par ses deux petits-enfants, qui ont occupé une grande place dans les dernières années de sa vie, le consolant de la perte de ses deux enfants Charles et François-Victor.
Dans la vie de ses enfants idolâtrés, un grand changement se produit, Alice, la veuve de Charles, épouse E. Lockroy. Victor Hugo y consent.

L'année suivante, il publie Le Pape qui oppose cruellement l'institution terrestre de l'église au message évangélique, moins pour célébrer l'avènement de Louis XIII que pour fêter la mort de l'autocrate du gouvernement et du dogme, Pie IX, vainqueur de la République romaine et inventeur de l'infaillibilité pontificale. Dans les deux cas, il s'agissait de protéger la République naissante.
Il fait représenté une adaptation tirés des Misérables. Il suit assidûment les travaux du Sénat, il préside les cérémonies du centenaire de Voltaire, puis un congrès littéraire international au cours duquel il traite avec une remarquable pertinence de la protection du droit d'auteur. Ces interventions prépareront la convention de Berne. Dans Paris on sait qu'il est toujours disponible. Il l'est trop.
Dans la nuit du 27 au 28 juin 1878, Hugo subit une congestion cérébrale. Les médecins l'avertissent qu'il n'est pas raisonnable de faire à soixante-seize ans, la même chose que l'on fait à vingt ans (allusion à ses amours répétés avec Blanche). Une seule solution pour qu'il se condamne au repos : un séjour à Guernesey.

De retour à Paris à l'automne, il s'installe à son dernier domicile, avenue d'Eylau bientôt rebaptisée de son nom, et son activité proprement créatrice prend alors fin.
Il était dit que l'année 1879 serait celle des séparation. Le 28 mars, c'est Léonie qui, après une longue maladie, quitte ce monde. Puis vient la séparation de Victor et Blanche que Juliette à manigancée. Hugo ne renonce pas à cette odor di femina qui, depuis tant d'années le tourmente si délicieusement. Et quand les "protection" (Juliette et Lockroy) dont on l'accable pèsent trop, il lui reste la ressource de promenades hygiéniques et qui le sont dans tous les sens du terme. Par deux fois, la police l'arrêtera pour outrage à la pudeur.

Il voyage à Villequier avec Juliette qu'il traite maintenant ouvertement en épouse et où, pour la première fois, il visite la tombe d'Adèle.
Malgré son âge, il publie. A vrai dire, ses ouvrages que l'on édite réunissent surtout des poèmes antérieurs à 1878. En février 1879, c'est La Pitié suprême qui vient renforcer les deux appels pathétiques qu'il lancera encore, en février 1879 et juillet 1880, à la tribune du Sénat pour que soient définitivement amnistiés les communards. En 1880 c'est Religion et religion, qui s'afflige de voir partout le matérialisme triompher, et l'Ane, raillerie suprême contre le scientisme triomphant.
Les hommages pleuvent sur Hugo. De la communale à la Sorbonne, toute l'École, enfin laïque, récite ses vers. Le 26 février 1881, le conseil municipal et près de 600 000 Parisiens, ouvriers, écoliers, orphéons et fanfares, déferlent en un océan de foule et de fleurs sous ses fenêtres, pour fêter le début de sa quatre-vingtième année, gloire sans précédent pour un poète vivant. La république bourgeoise enterre sous les honneurs le vieil anarchiste railleur.
Au terme de sa vie et du siècle inventeur des poètes maudits, Hugo a tout : consécration officielle et populaire, autorité morale et politique, fortune. Il est même réélu sénateur. De là sans doute un agacement qu'exprime une réputation de pingrerie, fort imméritée par un homme souvent généreux envers les pauvres et dont le travail a toujours entretenu toute une tribu dépensière et oisive.
Il rédige son testament : "Vérité, lumière, justice, conscience, c'est Dieu […]. Je donne tous mes manuscrit et tout ce sui sera trouvé écrit ou dessiné par moi à la bibliothèque nationale de Paris."

Il publie les Quatre vents de l'esprit (1882), qui rassemblent des poèmes de tonalités et d'époques si différentes qu'elles font, une fois de plus, éclater l'immense disparité de son inspiration, la série complémentaire de la Légende des siècles puis de ce recueil dans sa version définitive et enfin, L'Archipel de la Manche, la dernière de son vivant. Le Rappel publie un "appel de Victor Hugo" au sujet des massacres de juifs en Russie.

Le 11 mai 1883, Juliette Drouet meurt, qui depuis longtemps malade, semble avoir attendu ce cinquantenaire pour quitter Hugo. Le lendemain, à sa fenêtre, le vieil homme qui n'a pas eu la force de suivre le convoi mortuaire, regarde s'éloigner le cercueil qui emporte ses amours. Elle reposera auprès de sa fille Claire, mère et fille enfin réunies dans la mort, comme Adèle et Léopoldine l'avaient été avant elles. Rarement amours partagées suscitèrent, chez ceux qui les vécurent, tant de passion, tant de pleurs, tant de drames. Rarement femmes souffrit d'un homme tant d'épreuves. Mais ce supplice qui fut le sien, elle l'avait choisi.

Le 2 août Victor prévoit un codicille testamentaire : "Je donne cinquante mille francs [2,5 millions actuels] aux pauvres. Je désire être porté au cimetière dans leur corbillard. Je refuse l'oraison de toutes les églises. Je demande une prière à toutes les âmes. Je crois en Dieu."

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